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Quantum of Solace


Le retour de Bond est-il toujours un gage de qualité ?



Il est parfois difficile de remettre sur pied une franchise sur le déclin. Celle de James Bond en est un cas flagrant. D'où vient James Bond ? Son origine remonte au film de Alfred Hitchcock : La mort aux trousses". Dans ce dernier, Cary Grant entre, malgré lui, dans une vaste conspiration à l'échelle nationale. Pour éviter tout écueil, les services secrets tentent par tous les moyens de mettre fin à sa vie. Dans ce film, Hitchcock posait déjà les du film d'espionnage : courses poursuites, manichéisme sociétal (le petit homme gentil contre la grande organisation), une héroine éprise du héros, intrigue fondée essentiellement sur des enjeux politiques, un personnage charismatique, des cascades, de l'action grand spectacle et du suspense. Hitchcock ignorait qu'il inventait les prémisses de ce qui allait devenir un genre à part entière quelques années plus tard. En 1963, le premier James Bond sort : "James Bond contre Dr No". Action, héros et salauds charismatiques, gadgets, jolies femmes, cascades, générique esthétique... Les éléments principaux de la série étaient là. S'en suit alors dix neuf autres suites, reprenant chacune ces éléments et les déclinant de toutes les manières possibles. Après des années de succès, l'agent double zéro sept reçoit une retraite anticipée. En effet, le vingtième opus voit un succès mitigé. La série tombe dans un monde de gadgets aussi excentriques que surréalistes et dans un packaging publicitaire indigérable. La formule était éculée. Il fallait réagir pour ne pas perdre l'espion de Sa Majesté. Les producteurs suggère alors de renouveler le concept même de la saga et font travailler Martin Campbell sur le sujet, auteur de Goldeneye" qui a redonné du sang neuf à la saga à l'époque de sa sortie. "Casino Royal" sort. Les fans hurlèrent puis se radoucirent, les autres apprécièrent sans fustiger. Qu'a-t-il apporté ? Un James Bond avec plus de caractère mais moins de charisme, un film relèguant l'action (pas réaliste) au second plan et privilégiant la psychologie (peu approfondie) puis l'intrigue. L'acteur Daniel Craig reçoit un large succès auprès du public de la critique. Les efforts de Martin Campbell sont largement récompensés car le film fait un grand nombre d'entrée en salle.

Bien évidemment, tout le monde attendait la suite de ces efforts. "Casino Royale" donnait lieu à une fin ouverte sur une suite, chose inhabituelle dans la saga. Le projet "Quantum of Solace" est né. On change le réalisateur et on passe à la suite. Le film crée le buzz bien avant sa sortie : les fans essaient de glaner le plus d'informations possibles, un fait divers étonnant (une Aston Martin détruite lors du tournage), etc. Ajoutons le buzz publicitaire avec une marque de soda et de télévisions. Tout cela fait monter l'attente auprès du public, dont les espérances se font croissantes.

Le vendredi 31 octobre dernier, le voilà enfin sorti. C'est une grande déception. Pourquoi ?



D'un point de vue général, le film ne tient pas ses promesses. Pourtant, le prégénérique augurait du bon : une course poursuite d'entrée de jeu, qui met le spectateur in media res dans l'action. Nerveuse, efficace, tournée de manière aussi brutale que dynamique. Des plan serrés et de champs-contre champs se succèdent sur un musique classiquement bondienne mais diablement dans le ton. Un pur moment jouissif ! Passé cette réjouissance, le goût de la cendre dans la bouche commence avec les premières images du générique. Première constatation : c'est pauvre ! Deux ombres passent sur un fond vide et monochrome. On se dit : "c'est seulement le début", puis on s'aperçoit rapidement que cette misère graphique reste constante durant les 3 minutes de son existence. La musique interprétée par Alicia Keys & Jack White n'est pas là pour arranger les choses. Elle se compose d'un mélange de R'N'B et de pop qui est totalement hors sujet ici. Où est passé la musique orchestrale qui représentait le charisme et le flegme britannique du héros ? Serait-il devenu un ersatz de gangsta ? Les questions se posent sans avoir de réelles réponses, d'autant plus que la suite du programme n'est pas des plus réjouissantes.



L'histoire se déroule alors sous nos yeux. Elle constitue la suite directe de l'épisode précédent et laisse planer en suspend le désir de vengeance du héros. Ceci est l'intrigue annexe. Ensuite, Le film se concentre sur ce qui va devenir son centre : les activités de Dominic Green, homme d'affaire à l'échelle internationale et grand bad guy du film. Ce personnage nous laisse entrevoir une intrigue internationaliste des plus intéressantes. Or, elle reste assez superficielle, comme dans tout James Bond. On nous montre seulement le "qui fait quoi" de manière désinvolte sans nous parler de l'essentiel : les répercussions à l'échelle mondiale de certaines actions et, surtout, l'origine du Quantum of Solace. Qu'est-ce que le "Quantum of Solace" ? On reste dans le flou tout au long du film. Il nous reste donc l'intrigue annexe de la vengeance, évoquée au début et à la fin du film, qui trouve un dénouement conventionnel.



Le long métrage se donne tout un lot de scènes d'action qui sont très présentes. C'est une des raisons que l'on pourrait trouver pour expliquer le manque de profondeur du scénario. On serait même prêt à l'excuser si l'action était intéressante. Ce n'est pas le cas. Le fait est que nous avons affaire à des scènes d'actions qui se retrouvent dans deux univers différents à cause de la réalisation : à la limite entre le réalisme et le fictionnel. Le plus dérangeant, c'est que l'on reste toujours dans un entre deux sans jamais choisir son camp. Ja mes Bond tombe sur un échafaudage sans se blesser. A côté de ça, nous avons eu droit quelques minutes auparavant à un combat ressemblant fort à la Jason Bourne. On reste constamment dans l'indécision. Cette idée est renforcée par la réalisation d'ensemble de ces scènes. Elles sont tournées de manière dynamique, parfois même caméra à l'épaule, ce qui est censé donné du rythme et du réalisme. Au-delà de cela, on peut observer un jeu de miroir à deux reprises, mais qui ne sert strictement à rien. Pourquoi nous montre-t-on James Bond qui course un truand puis, dans le plan d'après, une fête italienne ? Quel est le rapport ? L'intensité de la scène est alors désamorcée, reléguant sa tentative d'effet au rand du pur esthétisme au tape-à-l'œil raccoleur.



Par ailleurs, la qualité de l'interprétation reste d'un bon niveau. Daniel Craig se révèle toujours aussi inadapter dans le rôle. Il a peut être du caractère et une certaine présence en donnant le côté enjoué du personnage. En dehors de ça, Craig ne sait pas composer la palette de sentiments d'un personnage. On le voit nettement lors d'une scène où l'on s'attendrait à une déformation minime de se visage de pierre, que l'on pourrait qualifier d'expression faciale. Mais rien ! A cause de cela, il apparait inexpressif. De plus, il manque de charisme, celui inhérent au personnage de l'agent britannique. Chez Craig, on ne retrouve pas ce flegme, lui qui a un physique d'un déménageur et un visage peu attirant, buriné par le temps et le caractère. Le but de Bond n'est pas d'apparaitre comme un héros d'action conventionnel, à savoir musclé, mais qui sache faire la différence avec son intelligence. Ici, on tombe dans le conventionnel.
Par contre, la prestation du français Mathieu Amalric en grand ennemi de Bond est vraiment impeccable. Tout en finesse et retenu, l'acteur donne à voir un psychopathe de premier choix sans jamais en faire trop. Observez son regard, il en dit long.



Déception. C'est le premier mot qui vient à l'esprit. Le second opus de ce reboot de la saga est moins bon que le précédent. Le premier essayait de développer le côté psychologique des personnages au détriment de l'action. Dans "Quantum of Solace", non seulement c'est le contraire mais il essaie de se donner bonne conscience en faisant dire à un de ses protagonnistes : "j'aimerais te libérer, mais ta prison est à l'intérieur". Très superficiel. Quoiqu'il en soit, on est devant un film d'action conventionnel, possédant beaucoup de défauts et qui reste très surestimé par la plupart des gens. La seule erreur de Bond, c'est d'essayer de revenir après l'arrivée de Jason Bourne qui a dépoussiéré le genre avec son style plus radical et réaliste. Bond est vieux et continue de donner sa formule magique éculée sous une forme déguisée, comme on peut le constater avec le retour du gunbarrel à la fin.


Voir aussi la critique de "Casino Royale" : http://france-jeunes.net/lire-casino-royale-22689.htm
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