La supplication, leur supplication

"La supplication" est un livre sous forme d'enquête littéraire... Il est fait de témoignages divers, de réflexion de personnes ayant côtoyées ce désastre humanitaire.

C'est en en sorte l'histoire de cette catastrophe nucléaire vue et vécue par ceux qui l'ont subit.
Pas une histoire brodée, une histoire vécue par des milliers de personnes et qui encore à l'heure actuelle subissent les conséquences.

Svetlana Alexievitch est un écrivain Biélorusse, mais aussi une journaliste, elle écrit pour donner la parole aux oubliés de l'histoire, pour contredire les messages officiels.
Il paraît qu'elle a un cancer dû aux nombreux passages dans les lieux irradiés de cette ville.
D'ailleurs elle a subit de nombreux heurts avec le pouvoir du pays !

Ce livre est avant tout chose un recueil de confidence, d'émotion, de douleur, de non-compréhension qu'on eut « les autres » face à ce malheur quasiment invisible.
Ce livre donne la parole aux contaminés, aux oubliés de Tchernobyl.


Pour commencer à présent le petit condensé de cette chronique voici une phrase d'un soldat envoyé pour décontaminer la zone, et qui me donné à réfléchir :

"Avant notre départ, on nous a prévenus que les intérêts de l'état exigeaient le maintien du secret que nous avions vu. A part nous, personne ne sait vraiment ce qui s'est passé là-bas. Nous n'avons rien compris, mais nous avons tout vu"

Voilà en grossièrement l'esprit politique de ce pays, voir et ce taire, ne rien dire, se taire à jamais !

Je pense que nous même nous avons été bernés, on a essayé de nous faire croire que ce fameux nuage s'arrêtait à nos frontières....
stop, ici la France, nuage tu ne rentreras pas...et pourtant :



NOTE EXPLICATIVE :
Le 26 avril1986, à 1h23, le réacteur et le bâtiment de la quatrième tranche de la centrale nucléaire de Tchernobyl fut détruit par une série d'explosion.

Ce fut un désastre pour plus de 10 millions de Biélorusse, qui avaient déjà subit lors de la seconde guerre mondiale une destruction en masse de leurs villages par les nazis.
Tchernobyl a détruit 485 villages.
Le territoire Ukrainien est touché à 4,8%, celui de Russie à 0,5%....
Et ailleurs....
Selon les observations du 29 avril 1986, un haut niveau de radiation fut enregistré dans différents pays comme la Pologne, l'Autriche et la roumanie.
Le 30 avril 1986, ce fut au tour de la Suisse, de l'Italie du Nord, le 1 et le 2 mai, la France, la Belgique, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, et le Nord de la Grèce ; le 3 mai, l'Israël, le Koweït, la Turquie...

Mais hélas cela ne s'arrête pas là, les substances gazeuses et volatiles projetées à très haute altitude eurent une diffusion globale : le 2 mai, au japon; le 4 en chine ; le 5 en inde, le 5 et le 6 aux Etats-Unis et au Canada !
Voilà pour cette note informative ce que fut la progression de ce nuage venu de Tchernobyl.

Maintenant retour vers ce livre...

Ce livre est fait de texte divers, de longs monologues, de cris, de SOS, de douleurs...Svetlana Alexievitch a voyagé durant trois années dans ce Tchernobyl, elle a questionné des travailleurs de la centrale, des médecins, des soldats, des anciens fonctionnaires, des hommes, des femmes, des paysans, des intellectuels..

Elle explique d'ailleurs "un évènement raconté par une seule personne est son destin. Raconté par plusieurs, il devient l'histoire. Voilà le plus difficile : concilier les deux vérités, la personnelle et la générale. Et l'homme d'aujourd'hui se trouve à la fracture de deux époques... "
Il faut dire que Tchernobyl n'est pas la seule catastrophe de ce pays, il reste l'autre, la catastrophe sociale, celle de cet immense pays socialiste qui a fait naufrage ou il faut trouver de l'argent pour vivre, au dehors de leurs préoccupations de santé, ils sont aussi préoccupés par le quotidien.

Ce livre ne parle pas vraiment de Tchernobyl, mais plutôt du monde de Tchernobyl, de ceux qui ont fait une vie après cette catastrophe, qui vivent avec, qui souffrent avec..
Ce livre est le témoin de ces vies gâchées, de ce monde différent.
Des aveux, des tourmentes de ces gens presque comme tout le monde est décrit ici, des vérités dites sans artifice..

J'ai trouvé ce livre très dur, très émouvant, il y a de très forts passages, comme celle des conséquences directes des radiations sur le corps humains.



EXTRAIT :
Monologue sans titre - un cri...

"Bonnes gens, laissez-moi tranquille ! Nous autres, nous habitons ici. Vous, vous allez causer et repartir. Mais nous resterons !
Regardez ces cartes médicales. Je les prends. Je les compulse chaque jour !
Ania Boudaï, née en 1985 : 380 rems.
Vitia Grinkevitch, né en 1986 : 785 rems.
Nastia Chablovskaïa, née en 1986 : 570 rems.
Aliocha Plenine, né en 1985 : 570 rems.
Andreï Kotchenko, né en 1987 : 450 rems....
On prétend que ce n'est pas possible. Comment peuvent-ils vivre avec une thyroïde pareille ? Mais c'est la première fois qu'un tel événement se produit dans le monde. Je lis..Je vois...Jour après jour. Pouvez-vous être d'un quelconque secours ?
Non ! Alors, à quoi bon venir ? Nous poser des questions ? Nous toucher ? Je ne veux pas faire commerce de leur malheur.
Ou philosopher là-dessus. Bonnes gens, laissez-moi ! c'est à nous de rester vivre ici"



Pour finir, je n'ai pas l'intention de vous donner plus d'extraits de ce livre, à vous de le lire, à vous de ressentir....

Ecoutez les voix de ses suppliciés de Tchernobyl...



Nous sommes l'air, pas la terre...
Merab Mamardachvili