Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Le kiffe diem


Comment réussir dans la Pop aujourd'hui sans passer par la Star Academy ?...



"Je dors trop, je ne pense à rien, laisse-moi, mea fouta". Le refrain du tube "dans les bras de Morpha" est sur les lèvres de tout le monde. A tel point qu'il est en passe d'inspirer une nouvelle philosophie. Classé parmi les meilleures ventes de disques, le premier single du groupe "Kiffe Diem", est d'ores et déjà un succès. Vaguement new-age, les mélodies langoureuses qui mélangent audacieusement chants grégoriens et paroles provocatrices, sont un vertigineux appel au vide. Curieuse ambiguité qui séduit tant elle épouse l'air du temps réduit de travail. Les RTT ont engendré un nouveau mode de vie et un nouveau style de musique "le soft move" dont les "Kiffe Diem" sont un peu les promoteurs. Voilà maintenant douze ans que la bande de copains de Marseille prépare sa première chanson. Perfectionnistes jusqu'au bout des ongles, fidèles à leurs principes, ils ont pris leur temps. Mais bien leur en a pris puisque la réforme Aubry a été une occasion unique pour eux de faire partager à des millions de Français leur façon de voir le monde. Même si les idées du groupe sont plus radicales : "la réforme des 35 heures c'est bien, mais il faut aller plus loin" peut-on lire sur la jaquette du cd.

Leur histoire a commencé dans un bar, celui des cancres de la classe qui se retrouvent pendant les cours. Les débats philosophiques vont bon train au "qui dort dîne" qui devient vite le repaire de l'intelligentsia marseillaise. "Pas besoin de travailler, de toutes façons, avec le contrôle continu, je l'ai déjà mon bepc" déclare alors le provocateur X alias "no name". "Quand on dit des trucs comme ça, vaut mieux prendre un pseudo" déclare à juste titre ce dernier. Il devient le chef de file d'une bande d'amis qui comme lui trouvent que ça ne sert à rien de travailler. Comme ils disent "l'argent ça sert à rien, mon père en a plein". Pourtant, les jeunes agitateurs continuent leurs études : "il faut prendre le mal à la racine, comprendre comment la société vous formate et inculque les fausses valeurs". Aujourd'hui, la plupart sont agrégés de philosophie après avoir brillamment décroché une bourse à l'Université. Parallèlement à leur activité de musiciens, ils planchent sur des sujets aussi variés que "Réflexions autour du "Droit à la paresse" de Paul Lafargue", "Comment appliquer la fin du travail selon Jeremy Rifkin", "Eloge plus qu'élogieuse de la lenteur", "Gaston Lagaffe, un héros post-moderne et avant-gardiste", "Dunlopillo vous Epeda ?". D'autres sont sociologues et se sont interrogés par exemple sur les désastres causés par les dopants, des vitamines aux amphétamines : "Ils brisent le lien social, créant au sein des travailleurs une société à deux vitesses, celle qui est fatiguée et veut se reposer et celle qui n'accepte pas sa fatigue et lutte contre elle. Le problème c'est que les derniers poussent les premiers au-delà de leurs limites, engendrant inégalités, aigreurs, stress et fatalement exclusion. Heureusement, maintenant quand ils sont fatigués les salariés peuvent faire la grève, on le voit de plus en plus, y compris dans les Macdo, au Monoprix ou à la Fnac ! Bien sûr, nous sommes là pour les soutenir". Fortes têtes, provocateurs qui n'ont pas peur de brosser dans le sens du poil (de la main), une fois leur chanson achevée, ils peinent à trouver une maison de disques. "Il fallait enregistrer une maquette et l'envoyer aux maisons de disques" nous explique le compositeur du groupe, Neurasthenia.
Mais la cruauté du destin semble changer en 1995. Ils font une rencontre décisive dans le métro. "Dès qu'on l'a vu, on a su que c'était elle, il nous la fallait comme chanteuse et égérie du groupe". La jeune femme roumaine scande alors un air très rap : "pas travail, pas argent, pas famille... ". Un texte qu'elle est fière aujourd'hui d'avoir écrit elle-même. D'emblée, le contact passe. Ils ont vite évalué le potentiel de celle qui est devenue une star. "Au début, elle ne comprenait rien à ce qu'on lui disait" se souvient avec nostalgie Foutase, le bassiste qui reprend "mais maintenant, c'est incroyable, elle comprend les textes qu'elle avait écrit quand elle chantait dans le métro". Dopés par Caillas, la chanteuse roumaine, tous décident de sacrifier pour un temps leur carrière universitaire pour enfin se consacrer à leur passion de toujours. Ils se produisent alors chaque année entre 20h00 et 20h30 dans un bistrot parisien lors de la fête de la musique. Mais l'heure de la reconnaissance n'est pas encore venue.
Ils pestent contre la société qui ne veut pas ouvrir les yeux : "Nous non plus on ne veut pas ouvrir les yeux", plaisante Massela au Synthé, "mais nous c'est pas à prendre au sens figuré".
Leur coup d'état, ils le font à la fac. "C'était le monde à l'envers, personne avait jamais vu ça. D'habitude, ce sont les étudiants qui prennent d'assaut les amphi à la fac. Nous on est avec eux, mais on cherche pas non plus à les encourager. Mais là, la coupe était pleine et il fallait bien les faire réagir". Nos compères accompagnés de la Caillas décident d'interrompre leurs cours et d'organiser un concert improvisé dans un amphi. "L'ennui, c'est qu'il y avait personne dans l'amphi, ils étaient tous au bar d'à côté. Les seuls qui étaient là ont cru qu'il s'agissait du cours et ont pris des notes". C'est le déclic. Neurasthenia mesure tout de suite le travail qui les attend à la fac. "Il va bien falloir s'y mettre les gars, retrousser nos chemises et foncer". Ils passent un pacte, désormais ils enseigneront en chantant. D'abord réticent, le recteur de la fac, progressiste dans l'âme, finit par donner son accord : "Etant donné le plébiscite qu'ils ont reçu auprès des étudiants, on a dû s'incliner. Il est évident qu'ils ont inventé un nouveau moyen d'enseigner qui correspond à la génération d'aujourd'hui. Et puis, ils font un cours commun, ce qui libère les autres salles. Comme on avait des problèmes de locaux, ça tombait à point nommé". Mais le succès est tel que bientôt l'Université est obligé d'embaucher des videurs. "Nous on aurait voulu donner nos cours dehors pour que tout le monde puisse en profiter, mais c'était pas possible, faut les bouger à l'Education Nationale dès que t'as une idée un peu originale !" s'indigne Foutase. "Mais on est fiers quand même parce que grâce à nous on a pu créer quelques emplois jeunes qui assurent la sécurité. "
Rapidement, l'initiative de ceux que l'on appelle désormais officiellement les Kiffe Diem fait du bruit et les reportages abondent. Le ministre de l'Education Nationale en personne se déplace pour assister aux cours et soutient cette nouvelle forme d'enseignement en créant une Agence pour la Modernisation de l'Enseignement : "Il est nécessaire que la nouvelle génération d'enseignants s'adaptent à la société d'aujourd'hui et ramènent nos jeunes sur les bancs de l'Université. Je ne peux que saluer le travail des Kiffe Diem que j'ai d'ailleurs nommé conseillers au sein de l'Agence pour la Modernisation de l'Enseignement. Aujourd'hui, nous avons besoin de gens comme eux. Il est indispensable que les jeunes soient préparés de façon réaliste au Marché du Travail, nous envisageons d'ailleurs en collaboration avec le Ministère de la Solidarité et de l'Emploi, de créer une option "Démarches auprès de l'anpe", car trop de jeunes galèrent dans les complications administratives pour s'inscrire au chômage et ça n'est plus tolérable. Nos jeunes doivent comprendre le monde dans lequel ils vivent, c'est là que l'enseignement prend son entière signification. L'action des Kiffe Diem est civique. "
Mais rapidement, notre groupe est débordé par le succès. Les maisons de disques toujours promptes à faire de l'argent n'hésitent pas à proposer des contrats juteux à nos jeunes professeurs. "On nous a accusé de nous corrompre quand on a signé avec Universal, mais c'est faux. Notre démarche a toujours été de s'adresser au plus grand nombre. Tout le monde n'a pas le privilège d'aller à la fac. Pour nous, ce contrat, c'était pas pour l'argent, c'était simplement la continuité de notre mission" assure Neurasthenia.
Une chose est sûre, avec l'argent qu'ils ont gagné, ils vont pouvoir arrêter de travailler et ainsi vivre en conformité avec leurs convictions. Profitez bien du premier single des Kiffe Diem, ça pourrait bien être le dernier. Une pièce rare donc qui se vend également comme des petits pains dans le monde entier. Y compris aux Etats-Unis, ce qui ne cesse d'étonner la profession qui n'a jamais observé un tel raz de marée Outre-Atlantique, pour un disque français. Pour les Kiffe Diem, aucun doute : "Nos chansons sont universelles. Elles touchent aussi les Américains qui ne sont pas que des grands enfants, parfois ils réfléchissent et je pense que notre disque les aident dans cette nouvelle démarche". En tout cas, "Dans les bras de Morpha" endort tous les soirs des millions d'Américains lorsqu'ils tombent sur une publicité qui a emprunté à notre groupe leur tube afin de vanter les mérites d'un célèbre somnifère. "C'est terrible parce que le somnifère ne se vend pas du tout, alors qu'on s'arrache le single. La musique est tellement efficace qu'ils n'ont plus besoin du produit. On avait rarement observé un tel phénomène", nous explique Ron Jones, conseiller en marketing. En somme, il n'y a que dans les milieux underground new-yorkais que l'on comprend vraiment les paroles et déjà la philosophie des Kiffe Diem fait école. "We enjoy life as they say, Kiffe diem is the modern way of thinking. The Carpe Diem is not really dead but the Kiffe Diem is really alive. We understood that the work is useless and it is more than important”. Enjoy or work....

Tout ceci est purement fictif, toute ressemblance avec la réalité ou des personnages existants serait tout à fait fortuite
Extrait du site https://www.france-jeunes.net
Tous droits réservés