Extrait du site https://www.france-jeunes.net

L'amitié


L'amitié est une vertu, ou tout au moins, elle s'accompagne de vertu. De plus, elle est absolument indispensable à la vie sans amis, nul ne voudrait vivre, même étant comblé de tous les autres biens.



Parmi les textes les plus célèbres de l'aristotélisme figure le morceau de bravoure sur l'amitié. Que l'on cite particulièrement souvent pour montrer, a l'exemple de Montaigne et La Boétie, combien la philosophie rapproche les êtres dans une sympathie et une compréhension mutuelles.

L'amitié est une vertu, ou tout au moins, elle s'accompagne de vertu. De plus, elle est absolument indispensable à la vie sans amis, nul ne voudrait vivre, même étant comblé de tous les autres biens. Les riches eux-mêmes, ceux qui possèdent les charges et le pouvoir suprême ont, semble-t-il, tout particulièrement besoin d'amis. à quoi leur servirait d'être ainsi comblés de biens Si on les privait de la faculté de faire le bien qui s'exerce à l'égard des amis, et qui est alors particulièrement louable ? Comment aussi, sans amis, surveiller et garder tant de biens ? Plus ils sont nombreux, plus leur possession est incertaine.

Dans la pauvreté et les infortunes, on pense généralement que les amis constituent le seul refuge. Aux jeunes gens l'amitié prête son concours pour leur éviter des fautes; aux vieillards elle vient en aide pour les soins que demande leur état et elle supplée à l'incapacité d'agir à laquelle les condamne leur faiblesse; quand aux hommes dans la force de l'âge, elle les stimule aux belles actions. Le poète parle de "deux êtres" qui marchent unis. Et effectivement on est ainsi plus fort pour penser et pour agir.

L'amitié est, semble-t-il, un sentiment inné dans le coeur du créateur à l'égard de sa créature et dans celui de la créature à l'égard du créateur. Il existe, non seulement chez les hommes, niais encore chez les oiseaux et chez la plupart des êtres vivants, dans les individus d'une même espèce les uns à l'égard des autres, et principalement entre les hommes. De là les éloges que nous décernons à ceux que l'on appelle des "philanthropes". On peut constater, même au cours de voyages, quelle familiarité et quelle amitié l'homme nourrit à l'égard de l'homme.

L'amitié semble encore être le lien des cités et attirer le soin des législateurs, plus même que la justice. La concorde, qui ressemble en quelque mesure à l'amitié parait être l'objet de leur principale sollicitude, tandis qu'ils cherchent à bannir tout particulièrement la discorde, ennemie de l'amitié. D'ailleurs, si les citoyens pratiquaient entre eux l'amitié, ils n'auraient nullement besoin de la justice; mais même, en les supposant justes, ils auraient encore besoin de l'amitié; et la justice, à son point de perfection, parait tenir de la nature de l'amitié.

L'amitié est nécessaire. Que dis-je ? Elle est admirable; nous ne ménageons pas nos éloges à ceux qui en ont le culte et le grand nombre d'amis constitue un des avantages les plus honorables - quelques-uns même sont d'avis que c'est tout un d'être honnête homme et ami sûr.
Les discussions que suscite l'amitié sont nombreuses les uns la fondent sur une sorte de ressemblance et disent que se ressembler, c'est s'aimer. De là les proverbes le semblable est attiré par le semblable : le geai avec le geai, et les autres manières de dire. D'autres, par contre, déclarent que tous ceux qui ont quelque ressemblance se comportent les uns avec les autres en véritables potiers.

Si le fait de vivre est par lui-même un bien il comporte aussi de l'agrément, constatation qui semble résulter du désir de vivre que montrent tous les hommes et particulièrement les honnêtes gens et les gens heureux. Leur vie n'est-elle pas particulièrement désirable et leur existence n'atteint-elle pas au comble du bonheur ? En outre celui qui voit sent qu'il voit, celui qui entend sent qu'il entend, celui qui marche sent qu'il marche, et il en va de même dans tous les autres cas; il y a en nous un je ne sais quoi qui sent que nous déployons notre force; aussi pouvons-nous sentir que nous sentons, et de même penser que nous pensons, or du fait même que nous sentons ou pensons, nous existons - car, nous l'avons dit, exister, c'est sentir ou penser. Enfin - sentir qu'on vit est agréable par soi-même - la. vie étant un bien par nature - et s'apercevoir du bien qui existe en nous étant un plaisir. L'existence est donc désirable tout particulièrement pour les hommes vertueux, puisque pour eux être est un bien et un plaisir et que, ayant conscience de ce bien en soi, ils éprouvent un vif agrément.

Les dispositions que l'homme vertueux a pour lui-même, il les montre également à l'endroit de son ami, puisque celui-ci est un autre lui-même. Dans la mesure où chacun désire la vie pour son propre compte, il en fait autant pour son ami ou à peu de chose près. Mais n'avons-nous pas dit que l'existence était souhaitable par le sentiment qu'on avait de sa propre valeur morale, sentiment qui est en lui-même agréable ? Il en résulte donc qu'il faut avoir aussi le sentiment de l'existence de son ami, ce qui se produit généralement quand on vit en intimité avec lui et qu'on échange paroles et réflexions.

L'amitié est une sorte d'association. Les dispositions qu'on entretient à l'égard de soi-même, on les montre à l'égard de l'ami. Or, en ce qui nous concerne personnellement, la sensation de notre existence est désirable elle l'est aussi par rapport à l'ami.comme elle ne se manifeste en acte que dans la vie commune, tout naturellement les amis y aspirent.

En outre, toutes les circonstances où nous éprouvons le sentiment de notre existence et où nous connaissons les raisons qui nous font souhaiter de vivre, nous voulons les partager avec nos amis en vivant avec eux. Aussi les uns se réunissent-ils pour boire, les autres pour jouer aux dés, d'autres pour s'exercer à la gymnastique, d'autres enfin pour chasser ou pour philosopher de compagnie. Tous les hommes passent leur temps à leur occupation préférée.comme ils veulent vivre en intimité avec leurs amis, ils se livrent et participent à ce qu'ils estiment être l'agrément de la vie en commun.
Extrait du site https://www.france-jeunes.net
Tous droits réservés