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Mon fleuve d'échine...


Ma dédicace à Audrey...



Avait-elle besoin d'être belle pour que je l'aime ?
Toute sa grâce et sa beauté n'était que protection contre les maux du monde. La candeur s'échappant de son regard trahissait une sensibilité cachée derrière le masque ce masque affreux et trompeur, celui de la beauté.
Tout cet artifice attirait la convoitise de mes rivaux n'agissant que sous la pulsion de ce qui faisait d'eux des mâles. L'intérêt de l'affaire n'était que trop subtile et l'adversité disparut avant même que mes efforts ne soient mis à contribution. Il ne restait qu'elle et moi, mais un moi timide, gauche et sans expérience...

Mais que faire lorsque mes atouts ne sont que pure théorie ? Que faire lorsque je suis le seul à penser que je suis beau, intelligent et séduisant ?

Les nuits blanches apportent réponses aux problèmes, et à peine les yeux fermés, les histoires les plus folle et parsemées de romantisme survolent mes rêves emplis de fantasmes innombrables. Mes yeux, ma bouche attire les objets les plus doux que mes rêves n'aient jamais portés en eux.
L'amour devient le maître mot de mes nuits, sa volupté comble mon rêve et la satiété s'installe en moi alors que le rêve prend fin. Je me sens aimé et désiré comme jamais je ne l'ai été dans ma vie.
J'entends au loin un bourdonnement menaçant mon sommeil et mes rêves tant désirés la veille. Mon bras s'allonge machinalement comme un automatisme et tout en me tirant de mon sommeil, il assène un coup bien fâcheux à mon pauvre réveil qui ne fait qu'obéir aux ordres.
Pauvre de moi, je me rends peu à peu compte au fur et à mesure que les secondes défilent qu'encore une fois, ce n'était qu'un rêve. La plus belle histoire d'amour que je n'ai jamais vécue vient de s'achever et de sombrer dans les entrailles de mon âme. Bientôt le souvenir de cette aventure s'effacera malgré moi de ma mémoire laissant place à de nouveaux fantasmes prêt à faire chavirer mon coeur encore et encore...
Mon premier pied se pose à terre suivi de mon second, l'aventure s'arrête ici, alors qu'une autre s'apprête à démarrer. Déjà mon esprit anticipe sur la journée à venir. Je vais enfin la revoir, elle me paraîtra encore plus belle que hier, je suis heureux, et contre toute logique, mon rêve se poursuit passant de l'irréel au réel.

J'arrive au lycée et après quelques minutes d'érrance dans les couloirs, le cliquetis propre à la porte donnant sur le vestibule du bâtiment m'annonce l'arrivé imminente d'une déesse dans mon champ visuel. La magie de l'amour me la présente certainement sous l'aspect le plus subjectif qu'il soit, mais cette force, je ne la contrôle pas, je me laisse guider par elle.
Chacun de ses pas ne manque pas d'être analysé par mes cinq sens afin de ne perdre aucun instant de bonheur que j'ai tant mérité.
Mes yeux guettent inespérément un regard qui ne m'échappera pas quelque soit son degré de furtivité. J'ouïe attentivement chacune de ses rares paroles que j'absorbe dans un état de bien-être éternel. Je m'enivre avec son parfum chaleureux que je respire à son passage et qui me dépêche dans l'univers insulaire des tropiques.
Mais les deux autres sens manquent, quel désire intense rôde en moi de m'attarder à les exploiter. Lui prendre la main, la toucher, lui caresser la joue avant de m'approcher et frôler mes lèvres contre les siennes, seuls mes rêves ont eu l'honneur d'y goûter. Et moi, je la regarde s'éloigner. Les mains tremblantes, les sens en éveil, je jouis déjà à l'idée de la prochaine rencontre...

La sonnette tinte dans l'aile ouest, je m'apprête à quitter le terrier dans lequel je suis profondément ancré, mais mes jambes encore paralysées par l'intense émotion ne répondent plus. Elle réapparaît au bout du couloir cherchant désespéremment une salle se pendant aux bras de ses camarades. Elle fait mine de prendre ma direction. Je compte déjà les pas qui la séparent encore de moi, et peu avant la fatale rencontre, le cuistre de service se place à ma droite me demandant de lui rendre compte de l'amitié que je lui avais accordée par pitié.
N'étant apprécié par guère de monde, mon pauvre ami me valut l'échec d'une splendide opportunité qui ne me remboursera certainement jamais. Elle détourne sa trajectoire et, tout en le repoussant par de net coups de coude, je la vit trouver elle-même ce qu'elle cherchait.

Ayant été retardé, je dois me contenter d'une place à l'avant isolé de mes camarades et de ma bien-aimée. Elle est assise derrière moi, m'offrant une piètre vue du bonheur absolu. Tous mes sens en éveils, son regard, dirigé nécessairement vers l'avant me caresse la joue provoquant ainsi en moi l'état d'extase que je ne cesse de rechercher en admirant à plaisir son absolue beauté.

Inévitablement, les bonnes choses ont une fin et la clochette qui à l'habitude m'annonce la prochaine rencontre avec elle m'annonce cette fois-ci la séparation tant redoutée. Discrètement, mes yeux dévient et observent le décor alentour en s'attardant longuement sur l'angle pré-défini. Tout en rangeant ses affaires, elle enfile sa longue veste noire me donnant ainsi l'occasion inespérée de m'attarder davantage puisque bien trop occupée. Mais, contre toute attente, mon regard est intercepté et assurément, mes yeux ont trahis mon coeur. Plus belle déclaration que par écrit, plus belle déclaration que par les mots, ma récompense n'en n'est plus grande et le sourire accordé par ses lèvres et ses yeux bourdonnant de compassion sont le plus beau présent que le ciel ne m'ait offert.

Mon coeur est en émois, mes yeux baignent dans l'eau du bonheur, l'amour toque à ma porte, et moi je te regarde, toi, amour... et te dis, je t'aime !

C'est ainsi que le soleil couchant, dans mon lit, je fais un bilan, ma vie a connu son apothéose, le meilleur est passé, il ne reste qu'à connaître le malheur.
Vaut-il vraiment la peine de se réveiller demain ?  
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