Extrait du site https://www.france-jeunes.net

L'inconnue qui aimait le malheureux


L'interminable attente de l'espoir...



Il faisait froid ce jour là. Beaucoup plus froid qu'à l'habitude, malgré le soleil qui se reflétait sur chaque toit de voitures, sure chaque façade d'immeubles. L'air glacé s'infiltrait sous les chandails trop légers, chandails adaptés à la température normale d'un anonyme mois de mai.

La vie aurait pu être belle pour l'inconnue, elle qui avait tout pour être heureuse. Attachante, pleine de cette vitalité propre à une jeunesse encore fraîche. Elle était encore plein de ces rêves que l'on construit doucement, occupée à les ériger, briques par briques. La vie aurait pu être belle pour elle, le soleil l'avait toujours rendu heureuse, peu importe l'air froid qui s'échappait des nuages. Elle aurait pu, dans un éclat de rire, virevolter sur quelques brins d'herbes échappés là par erreur, au milieu de ce monde moderne où le béton régnait en maître. Elle aurait pu être heureuse, elle souriait de tout. Elle souriait des oiseaux, des fleurs, des gens. Elle souriait du monde entier. Elle se satisfaisait de rêves, de petits bonheurs. L'espoir la faisait avancée, elle savait qu'un jour, elle réussirait. Elle aurait pu être heureuse, l'inconnue au cœur encore tendre. Elle aurait pu être heureuse, si ça n'avait pas été de lui.

Lui voyait le monde en noir, ne distinguait jamais les couleurs. Il était comme ces animaux sauvages toujours tristes, ceux que l'on ne peut jamais approcher. Où il était de ceux qui, lorsqu'on réussis enfin à les approcher pour les aimer, vous dévorait jusqu'au cœur. Il était d'une race à part, celle de ces anonymes jamais satisfaits. De ces gens qui avaient tout pour être heureux mais qui vivaient dans l'illusion perpétuelle qu'ils étaient affligés d'un grand malheur. Lui ne voyait que trop rarement le soleil, imaginait trop souvent la pluie. Il était de la race de ceux qui se ferment comme des huîtres, qui méprisent ces stupides êtres qui tentent de leur tendre la main. Lui était si souvent froid, calculateur, indifférent. C'était un de ces êtres incompréhensibles qui ne souriaient jamais à l'arrivée du printemps, comme le font tout les autres. Il était de ceux qui prennent tout en donnant le moins possible, affligeante banalité. Celui qu'elle aimait faisait parti de ces gens qui croyaient que tout leur était dû, qui croyaient en leur suprématie. Ceux qui disaient trop souvent que les coupables étaient les autres, le voisin, le monde entier. Il était de cette race là.

L'inconnue était jeune. Elle reportait ses rêves à demain pour les réaliser avec lui. Elle faisait tout pour combler l'homme qu'elle aimait. Souriait lorsqu'elle avait envie de pleurer, tout pour ne pas l'affliger. L'inconnue se sentait redevenir petite, sentait cette sensation d'étouffement que l'on ressent lorsqu'on doit s'oublier. Elle devait, pour lui, revêtir le corps et l'âme de quelqu'un d'autre, elle étouffait dans sa prison de chair. Elle s'obligeait à rester calme lorsqu'il l'insultait, une fois de plus. Lui qui ne se rendait pas compte de tous les sacrifices, de toute la tendresse et l'amour qu'il fallait pour supporter un être aussi sombre. Lui ne se rendait pas compte puisqu'il devait certainement penser que cette dévotion était toute naturelle. Jamais un compliment, jamais un mot d'encouragement. Un rire, parfois. Stupide jeune inconnue croyant changer le monde. Ironie.

L'inconnue attendait patiemment le jour où elle aurait la force de partir. Ce jour où elle pourrait enfin vivre à sa manière. Elle n'en pouvait plus de se cacher, d'oublier qui elle était vraiment. De se taire lorsqu'elle avait envie de chanter, de se taire puisque cela l'énervait. L'inconnue n'en pouvait plus de souffrir à ce point, de sentir perpétuellement cette boule tout au fond de sa gorge. Elle n'en pouvait plus de faire semblant, de tenter de faire bonne figure auprès de ces autres qui les enviaient. L'inconnue attendait.

Elle attendait de voir revenir cet homme qu'elle avait tant aimé, jadis. Elle attendait un signe de reconnaissance de sa part, un remerciement. Un sourire. Un regard comme il lui en lançait si souvent, à cet époque où ils étaient heureux. L'inconnue attendait tout de lui. De la compréhension, de l'amour, de la tendresse. Elle en avait assez, mais elle attendait, avec le peu qu'il lui restait d'espoir.

Elle attend toujours.
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