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Il faut être Demeuré ou Cosmonaute

Ceci est un texte écrit par Pierre Desproges en 1986, il s'agit d'un texte de scéne, je ne sais pas si c'est le meilleur, certainement pas, mais c'est mon préféré.


Il Faut être demeuré ou cosmonaute pour supporter la promiscuité d'un demeuré... Ou d'un cosmonaute pendant six mois dasn l'habitacle épouvantablement exigu d'une cabine spatiale.
Je me fais cette réfléxion chaque fois que je sors d'un ascenceur à moitié rempli d'un autre être humain.


Je ne me suis jamais aussi profonfémment ennuyé qu'au cours de ces expéditions qui vous laissent face à face et ventre à ventre avec un compagnon de voyage qu'on ne vous a même pas présenté et dont vous allez devoir subir la présence pendant 20, 30 parfois même 40 secondes, pour peu que lui aussi aille au septiéme. Ainsi, l'autre soir, cauchemar, un quadragénaire ordinaire entre sur mes talons dans un ascenceur inconnu.
Avant même le lancement de la cabine, qui était prévu aux alentours du moment ou l'un ou l'autre se déciderait à appuyer sur le bouton de commande automatique de l'appareil, je devine qu'il ne me faudra attendre de cet être nulle tendresse, nulle chaleur humaine, rien de ces petites attentions délicates partagées qui font le charme des randonnées amicales.

De mon côté, je ne me sens en rien poussé vers lui.
L'idée ne m'effleure même pas de partager avec lui ma passion pour les chroniques de Vialatte et les Bordeaux vieux, ou mon mépris pour le Football et les endives braisées.
Ou alors , il faut mettre trés, trés peu d'eau, afin que l'endive transpire, et relever le plat d'une pincée de Poivre vert moulu qu'on aura soin de saupoudrer en toute fin de cuisson afin de ne pas en épuiser le fumet.
Entre cet homme et moi, le malaise s'installe dés l'instant du décollage...
Alors que je pointe l'index vers le bouton "7" dans le but de susciter l'impulsion susceptible de provoquer l'ascencion de la cabine (dont une surpression hydraulique maintenait jusque-là l'adhérence au sol) le Bougre a la velleité d'en faire autant.
Si bien que nos mains se frôlent assez sotement prés du Tableau de Bord. C'est l'incident.
Aujourd'hui encore, je n'évoque pas sans rougir la consternante banalité du dialogue qui s'ensuivit.

moi- Ho
lui- Heu Heu heu (toux)
moi-Hin, hin, Hin
lui-Quel étage ?
moi- Septiéme
lui-Moi aussi
moi-Ah ?
lui-Hin, hin, hin, hin, hin

Le décollage , cependant, s'effectue sans histoire.
Mais nous avons à peine dépassé le premier étage quand je sens son regard posé sur moi. Je plante alors le mien dans le sien afin de l'inciter tacitement à détourner les yeux.
Ce qu'il fait, dans un mouvement de menton qui le contraint persque aussitôt à contempler le plafond de la cabine avec fixité, attitude qui augmente encore le ridicule de notre tête à tête dans la mesure ou il n'y a strictement rien à voirsur ce plafond, dont la totale platitude n'est pas sans évoquer les plus belles pages de Phillipe Sollers.
Afin de dissla gêne de la situation qui devient presque intolérable aux abords du troisiéme, je tente de siffloter, à bouche chuintée, les trois premiéres mesures du refrain des "feuilles mortes" de mm prévert et Kosma, poursuivant dans cet effort le double but d'égayer musicalement notre habitacle et de faire croire à mon compagnon que je ne ressend pas la tension angoissante de ce moment terrible.
Hélas, au même moment, L'homme fait exactement le même raisonnement : ilse met à fredonner "le petit quinquin", dans un murmure timide mais parfaitement distinct.
Quoique à peine audible, la cacaphonie scandaleuse qui en résulte m'atteint comme un camouflet au niveau du quatriémeUne bouffée de desespoir existentiel m'envahit. La vie m'apparait soudain plus vaine et la fraternité humaine plus improbable.
je porte instinctivement ma main à ma bouche pour y moduler un toussotement volontaire destiné à créer la diversion, comme disent les commentateurs de matchs de football, dont le quotient intellectuel n'atteint qu'exeptionellement le chiffre de la température anale.
Or, dans ce geste de bienséance ordinaire je heurte involontairement la zone périombilicale de l'autre qui me tourne immédiatement le dos dans un mouvement d'autoprotection instinctif, ausuel, me semble t-il, i lfaut ajouter un irrépréssible besoin de marquer son trouble et d'empécher ainsi la reprise inévitable du dialogue imbécile déja entrepris avant le lancement : ho, heu, heu, hin, hinhin etc.
Horreur, à l'issue de ce demi tour spontané , et compte tenu de l'étroitesse de la cabine, cet homme et moi nous retrouvons , malgré la solennité incontestable de nos costumes croisés et la stricte sobriété de nos attachés case, dans la position équivoque de la sodomie verticale.
Aussi inébranlable soit la force tranquille dont s'honore mon hétéro-sexualité latente, malgré aussi la virilité de la nuque rose, et la forte senteur de Tabac gris qui émane de l'assujetti social auquel je suis maintenant accolé, j'en viens à prier Dieu de m'épargner la honte suprême d'une involontaire érection, toujours à craindre en cas de contact intempestif entre deux chairs humaines vivantes.
une telle manifestation de ma sanguinité ne ferait qu'ajouter encore au grotesque de notre duo, notamment à l'approche du septiéme ciel, désormais imminent, et alors même que l'idée de partager la vie de cet homme, ne fut ce qu'une seconde de plus , m'apparait désormais totalement intolérable.
Pour comble de misére, je comprends, quelques instants aprés l'attérissage, que cette personne est l'homme avec lequel j'ai rendez vous pour aller visiter la cave à vin dont il entend céder quelques crus au plus offrant.
Nous reprenons l'ascenceur.
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Re: Il faut être Demeuré ou Cosmonaute
Posté par micha le 20/08/2004 07:48:05
la chute é un peu plate, c ce qui fé surement que c pa le meilleur de déproge, mé c tt de meme du bon déproge ! Mais il fo le voir, ou o gran minimum lécouté ce sketch, c un bijou di par l'auteur qui ne semble jamais se trouvé a bou de soufle o bout de phrase interminable dont les plus simple d'esprit ne se rappelent plus le débu quand on arriv vers les parties les plus interessantes de la phrase, a savoir la fin, car elle annonce souvent, chez cet oteur du moins, une seconde (ou plus encor) phrase, tout aussi palpitante et si bien rédigé.
Re: Il faut être Demeuré ou Cosmonaute
Posté par someone else le 20/08/2004 07:48:05
hehe vi moi aussi :) c pas mal du tout :)
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Publié le 15 septembre 2002
Modifié le 15 septembre 2002
Lu 3 423 fois

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