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Nouvelle à chute I

Première d'une série de nouvelles dont la fin révèle toute la réalité sur l'histoire, offrant alors un nouvel éclairage sur le récit.


Une fois de plus, je ne sais pas où il m'emmène. Remarquez, c'est toujours ainsi... Mon père n'est pas vraiment du genre à s'embarrasser de ce genre de considérations à mon égard. Il me nourrit, me loge dans un coin, me vaccine si besoin est, et rares sont les fois où il remarque ma présence, alors que je le devance toujours, prêt à aider celui que j'aime malgré tout. Et donc je me retrouve une fois de plus lancé à toute vitesse, vers une destination dont je ne sais strictement rien. Véritablement rien. Le paysage défile si vite que je ne le distingue même pas, et mon père, comme chaque fois, trépigne d'impatience, en m'accablant d'une lenteur dont je ne suis pas le moins du monde responsable... Mais le trajet semble étrangement long, même pour moi, à vrai dire. Sur le moment, je suis pris d'un brusque et sombre pressentiment, qui disparaît aussi vite, mais me laisse malgré tout un arrière goût désagréable de métal oxydé. Cela ne me ressemble pas, et j'ai le plus grand mal à garder mon calme. Lorsque enfin j'y parviens, au terme d'un examen minutieux de ce qui m'entoure, nous sommes descendus. S'offre à nous une immense place entièrement vide, qui s'étend à perte de vue dans toutes les directions, éclairée violemment par une lumière blanche et froide, sans ombre. L'endroit ne m'inspire pas la moindre espèce de confiance, et un frisson ténu mais bien réel vient se rappeler à mon bon souvenir. J'ai très envie de partir, mais je ne peux le lui dire, sans quoi je devrai subir sa colère, et je préfère tout à cela... Plutôt passer l'éternité ici que de le rendre furieux... J'ai tenté de chasser de ma mémoire les souvenirs de la seule et unique fois où sa colère froide s'est abattue sur mon grand frère, mais malgré tous mes efforts, des bribes reviennent me hanter certaines nuits, et me tiennent alors éveillé jusqu'au matin... Grand-frère... Où es tu ? Je ne l'ai jamais revu depuis ce jour la, il a disparu sans laisser la moindre trace, comme s'il n'avait jamais existé. Mon père n'a plus jamais fait la moindre allusion à lui, et je n'ai jamais osé aborder le sujet... Mais il me manque, aujourd'hui, et la solitude me pèse... Le lien qui semblait nous unir, mon frère et moi, si puissant que nous pouvions communiquer sans que Père le sache, s'est brisé le jour de sa disparition, ne laissant qu'un vide abyssal... Même s'il était moins brillant que moi, moins rapide, il n'avait fait de mal à personne, et tentait toujours d'accomplir de son mieux les tâches que l'on lui donnait. Mais chaque jour Père s'énervait contre lui un peu plus, jusqu'au jour où mon frère a cédé à la panique, et commis l'irréparable. Les paroles de mon père à ce moment la me reviennent en rêves, mais fuient comme une nuée de moineaux à mon réveil, se dissimulant au plus profond de ma mémoire alors que je tente des les rattraper. Mais le passé n'est pas construit que de souvenirs heureux, et il faut aussi savoir s'en détourner. Comme toujours...


Pendant que je ruminais mes sombres pensées, un minuscule point tremblotant est apparu à l'horizon. Le temps passe, l'air semble immobile, et la minuscule tache grandit, prend forme, se divise, pour finalement nous apparaître, sous les traits de deux femmes. La première s'avance vers mon Père, le prend par le bras et l'entraîne à l'écart, d'où je ne perçois que des mots à demi chuchotés, des rires, des embrassades. Quant à moi, je reste en plein milieu de la place, droit, gêné, et incapable de détacher mes yeux de la jeune fille qui me fait face, les yeux baissés vers le sol, tout aussi incommodée de la situation que je le suis. Mais pourtant, une beauté, une puissance irrésistible semble émaner de son corps gracile, et je suis hypnotisé, malgré moi, par cette inconnue surgie de nulle part, muette, mélancolique et résignée. Des flots d'adjectifs, comme un essaim de papillons déchaînés, me vrillent l'esprit, tous exprimant cet amour triste que me submerge, et que toute ma volonté n'arrive pas à refouler, ni même à endiguer... Si j'osais lui parler, lui faire un signe... Un regard vers Père, inquiet, mais celui-ci ne me porte pas la moindre attention, comme à son habitude. Il nous a oublié dès qu'il l'a vue. Dès que je l'ai aperçue, j'ai saisi la raison de son impatience, de son excitation sous-entendue qu'il témoignait depuis notre départ. Il est ainsi à chacun de ses rendez-vous avec elle, et ma crainte qu'elle ne soit en réalité ma future belle-mère progresse à chacune de ses nouvelles rencontres. Non que je ne sois pas content pour Père, loin s'en faut, mais cette femme n'est qu'une égoïste, mesquine et sournoise. C'est la première fois que je la vois accompagnée par cette jeune inconnue, et le souvenir ému du vieillard amusant qui l'accompagnait autrefois me tire un léger pincement au cœur, venant faire écho à celui de mon frère. Cet homme étrange, paraissant sortir d'une autre époque, d'un autre temps, et qui savait provoquer toute sorte de bruits incongrus, m'était tellement sympathique que j'en venais à attendre les rendez-vous de mon père. Mais il devait endurer les coups, les insultes, les menaces de celle qu'il accompagnait, et chaque fois, la résistance du vieillard, de plus en plus faible, me faisait craindre le pire. Et jamais Père n'a manifesté sa désapprobation, ni ne lui a demandé de cesser de le maltraiter, alors qu'il s'affaissait de plus en plus. C'était comme si la scène n'était pas offerte à son regard, et cette indifférence m'arrachait des larmes de frustration. Mais la vue de cette jeune enfant, avec son air perdu, apeuré, malgré l'aura qui l'entoure, me calme et m'apaise aussi sûrement qu'une éternité de sommeil. Je m'avance, un pas, puis un autre, et je reste ainsi, alerte, tremblant, paralysé par sa proximité. Elle lève enfin les yeux vers moi ! Oh seigneur... Je vais m'y noyer, ne plus jamais pouvoir retrouver la surface... Ses yeux expriment un amour et une tristesse incommensurables, tellement profonds, tellement... Honnêtes... Les mots ont quitté mes lèvres, les pensées mon esprit, et je tombe, indéfiniment, dans une mer dont je ne veux jamais retrouver la grève.


Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés ainsi. Lorsque je reviens à la conscience, elle est dans mes bras, serrée tout contre moi, en pleurs. De joie, peut être, de tristesse, sûrement. Je peux enfin partager sa peine, ses douleurs, ses épreuves. Je crois que je n'ai jamais été aussi heureux... Je sens la présence du lien qui m'unissait, mon frère et moi, autrefois. Mais cette fois, c'est avec elle que je suis en communion. C'est elle que je sens vivre avec moi, comme synchronisé. Père et la Visiteuse sont toujours en plein échange, mais bien trop loin pour que je les aperçoive seulement. Je ne peux que ressentir leur présence, tout au plus. Mon regard dérive alentour, aveugle, tandis que je tente de calmer les sanglots qui la parcourent. La place est toujours vide... Mais soudain, une silhouette arrête mon regard, et un vent de panique se met à rugir dans tout mon corps. Je ne sais que trop bien ce qu'elle signifie... Ma protégée doit avoir ressenti l'atmosphère de crainte, car ses larmes se sont taries, et semble aux aguets, fragile, si fragile face au danger. La silhouette est un homme, ou du moins s'en donne l'apparence. Couvert de noir de la tête aux pieds, un certain sens de l'ironie le pousse machinalement à afficher un chapeau melon du plus bel effet. Mais la masse sombre qui s'agite sous son imper, le gonflant, le crevant de pointes visqueuses, et changeant de forme en un instant, ne laisse aucun doute sur son origine... La panique s'empare de moi alors que j'aperçois son exacte réplique de l'autre coté, marchant calmement dans notre direction. Je cherche une sortie, une échappatoire, mais ils sont de plus en plus nombreux, et nous nous retrouvons encerclés en un instant ! Mon père ne voit rien, et n'entend pas mes appels, emportés par la distance. C'est alors qu'ils fondent sur nous. Je sens qu'on l'arrache à mes bras, son cri résonne, puis le mien, en écho. Je la vois disparaître sous les dizaines de silhouettes qui se précipitent sur elle, et, à la périphérie de ma vision, j'entraperçois la Visiteuse qui se met soudain à clignoter, grésiller, pour finalement s'évanouir dans l'Ether. Alors mon père se tourne vers moi, et comprend. Je n'en vois pas plus. Ma vision se retrouve brouillée, je suis harcelé par le Virus, mes sens se désagrègent... Je ne ressens plus le lien qui nous unissait avec Elle, établit si vite, brisé de la même manière, et déjà, ma mémoire s'évapore... Père... Où êtes vous, Père ? ! Je ne ressens pas sa présence non plus... Il à déjà dû fuir... J'espère qu'il va bien... Père... Qui êtes Vous ? Je ne sais plus, je ne sais plus... Mes souvenirs fuient comme l'eau d'un réservoir percé, et je sens l'énergie quitter mes ramifications... Ma dernière larme coule, pour Elle, mais je ne sais déjà plus ce qu'elle représentait pour moi... Son souvenir, trop récent, s'est enfui en premier. Je m'éteins, définitivement. Un sommeil sans rêve. Plus de cauchemars. Mon dernier souvenir, celui de mon Père, hurlant à mon Frère, le jour de sa disparition. "Foutu PC, crois moi, tu es bon pour la casse... "
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Re: Nouvelle à chute I
Posté par flying mandarine le 29/05/2005 22:09:10
Vlad : Tu n'es pas borné, tant mieux, ça fait plaisir à voir...
J'avais commencé à t'écrire des conseils pour ta prochaine nouvelle, mais finalement non... Débrouille-toi, et je verrai si tu t'es amélioré ou pas :) Hésite pas à me laisser un message si t'y penses, la prochaine fois, vu que je regarde rarement les nouveaux articles...

Tchic : Si je n'ai pas affaire à un sourd, je te propose de lire Une sombre nuit (j'en fais l'apologie alors qu'il est d'un type que je ne connais même pas), et dis-moi ce que tu en penses par message...
Re: Nouvelle à chute I
Posté par tchit le 29/05/2005 21:40:40
Hé bien moi si je compare aux récits que j'ai lu, ya pas photo. Bien sûr le style est plutot impersonnel, on ne peut pas deviner juste en lisant que c'est du Vlad. Mais il est excellent, je persiste. Je relis un peu là et je persiste à voir de vraies qualités litteraires. Maintenant l'histoire en elle-même est interessante et drôle, sans plus, certes, mais c'est déjà ça.
Re: Nouvelle à chute I
Posté par vlad le 29/05/2005 20:53:22
Ah :-) Enfin une critique ^^ Bon, et bien, je dois avouer : je suis quasiment entièrement d'accord avec toi...Surtout pour ce qui est du style, surtout, la preuve en est le fait que je deteste me relire ^^ Même si ici, il est en parti volontairement machinal et flou. Puis pour ce qui est de la chute, elle ne provient que d'une dérivation lors de l'écriture, car voulant tout d'abord développer l'idée d'une machine pensante et consciente, je me suis rendu compte qu'on ne remarquait pas la nature du narrateur, d'où cette chute ^^ Mais merci pour cette critique, qui me permettra je l'espère de m'améliorer la prochaine fois :-)
Re: Nouvelle à chute I
Posté par flying mandarine le 29/05/2005 20:42:20
Mes excuses, j'ai été attiré par le fait que ce soit une histoire à chute, mais justement, j'ai trouvé la chute, à défaut d'être prévisible (ça, pour être imprévisible, elle l'était), pas vraiment intéressante... L'histoire est faite simplement pour apporter la conclusion, un peu comme, en cinéma, un Sixième Sens ou un Incassable... Ce que je veux dire par là, c'est que ta nouvelle aurait pu ne faire que vingt lignes que l'effet produit aurait été le même... Donc, le reste n'est qu'étalage, étalage, étalage...
Du côté du style, je trouve qu'il n'y en a pas, et que ce n'est que du contage d'histoire. Ce que vous appellez « style » n'est selon moi que son concept original (et encore) qui vous influence et vous fait croire que c'en est un style à part entière... Je prends quelques phrases A Tout Hasard, sans regarder :
« De joie, peut être, de tristesse, sûrement. Je peux enfin partager sa peine, ses douleurs, ses épreuves. Je crois que je n'ai jamais été aussi heureux... »
Mouais, je n'y trouve pas grand-chose...

Désolé mais je trouve que cette nouvelle n'est ni originale, ni bien écrite, ni bien imaginée... En réalité, je n'ai jamais vraiment vu de bonne nouvelle sur ce site, excepté Une sombre nuit, que je trouve au contraire profonde dans le sens et dans le symbolisme, et non pas superficiel comme ici...

Bien sûr, je lirai quand même ta prochaine histoire à chute, pour voir ce que ça donne !
Re: Nouvelle à chute I
Posté par chiumounou le 29/05/2005 20:30:31
waw ! c'est ... surprenant, mais évidement très bien ...
Et c'est vrai que tu as un style ... remarquable... Bref, BRAVO !
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Publié le 29 mai 2005
Modifié le 28 mai 2005
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