Ou bien ils parlent sans savoir ce qu’ils disent, c’est-à-dire sans se rendre compte jusqu’où peuvent aller leurs paroles, ou bien, au contraire, ils en sont conscients et en rajoutent donc bien plus. Dans les deux cas, on a de toutes façons deux situations, l’une d’infériorité et l’autre, de supériorité.
Une relation s'est créée, et puis...
Cet homme, ni exceptionnel ni différent de quiconque, a commencé à me parler. Ce n’était pas la première fois que ça arrivait et réciproquement, nous connaissons tous les deux le genre de dialogues que nous pouvons avoir. Des contradictions, de la taquinerie, de la réflexion… Jusqu’à présent, nous nous sommes rarement mis d’accord, chacun restant sur ses propres idées… Idées contraires à celles de l’autre.
Ca a toujours été intéressant parce qu’enrichissant malgré tout. Mais là, ce n’est pas passé. Il parlait, il parlait, sans arrêt… J’étais obligée de l’écouter, ou du moins de l’entendre, mais j’avais mal, très mal. Je ne disais pas un mot, il l’a remarqué. Qu’est-ce qui se passait ? Je n’étais pas d’accord ? Je ne voulais pas avouer qu’il avait raison ? C’est hélas ce qu’il crut. Plus simplement, j’étais touchée, concernée puis blessée. J’avais envie de crier qu’il n’avait pas le droit de dire ça… Mais je ne pouvais pas. Alors, j’ai tenté de lui expliquer qu’il avait tort, que ce qu’il disait était vide de sens, qu’il allait trop loin. Un immense effort m’a été indispensable pour retenir mes larmes, mais, ne le nions pas, le regard parle bien souvent mieux que les mots. Puis il a compris ce qui se passait. J’étais victime de son racisme, j’étais incapable de faire quoi que ce soit. Alors il m’a lancé ce regard, de haut, très haut, mais au fond si bas… Sentant le malaise, il est parti.
Un sentiment de trahison, une déception.
Je suis restée là, très silencieuse, à attendre. Attendre quoi, je ne savais pas… Que le temps passe, qu’on parte, sans lui. Qu’il arrête de me regarder de loin, qu’il arrête d’être si méprisant, qu’il parte. Qu’il arrête de faire rire cette personne avec qui il est en train de discuter. Comment est-ce qu’elle arrive à rire ? Comment moi-même aie-je pu rire de ses idées ? Plus jamais, jamais je ne pourrai le regarder.
Puis, je le vois qui revient vers moi. J’ai un peu peur de ses paroles, voire de ses actes. Alors je regarde ailleurs, comme s'il n'était pas là. Il s’avance, il s’excuse. Comment faire comme si de rien n’était, comment oublier tout ce qu’il a osé me dire ? Comment excuser tant de mépris ? Ca ne m’a pas été possible. Par la suite, il est reparti ailleurs, et un peu plus tard, j’ai enfin pu partir.
Ces quelques minutes m’ont semblé éternelles tant elles m’ont été difficiles à vivre. Je l’écris pour me faire du bien. Je l’écris aussi pour ceux qui tomberont sur ce texte. Auparavant, je trouvais que c’était idiot de tourner sa langue plusieurs fois dans sa bouche avant de parler. Je trouvais que la spontanéité était bien plus intéressante. Ce n’est pas la première fois que j’entends ce genre de remarques que cet homme a faites. En revanche, je suis maintenant persuadée que le fait de faire attention à ce que l’on dit a son importance. Mais faire attention, ce n’est pas réfléchir trois secondes puis parler. C’est comprendre quelles conséquences peuvent avoir nos regards et nos paroles, bien plus difficiles à oublier qu’un simple geste. Une fois ces conséquences comprises, faire attention, c’est savoir se retenir de parler lorsque ça n’apportera rien, sinon le mal. Faire du mal pour le mal… Bien pire que n’importe quelle autre violence. |