Dans ce numéro spécial, consacré à la semaine des poètes, je vous propose, à vous chers lecteurs, une réflexion sur la place que tiennent les poètes et la poésie dans la société contemporaine, tout en illustrant mes propos par trois poèmes sélectionnés par mes soins, Sensation, d'Arthur Rimbaud (XIXème siècle), À tous les enfants de Boris Vian (XXéme siècle), et enfin Les chats de Charles Baudelaire (XIXème siècle).
Bien avant de parler de la poésie en elle même, parlons de ceux qui tiennent la plume, d'où jaillit un filet d'encre qui, une fois façonné, donne naissance à un vers, une strophe, un poème. Parlons des poètes. Au delà d'être de simples individus qui s'adonnent à la poésie, les poètes sont divers, et multiples. S'ils diffèrent, entre eux, par leur appartenance à un mouvement littéraire, ils se distinguent également à l'intérieur d'eux mêmes. En effet, les poètes sont des personnages multifacettes, qui sont aussi nombreuses que le nombre de rôle que le poète prend au cours de la composition de son œuvre. Un poète peut être conteur, ou gardien d'une morale à transmettre, j'ai à l'esprit Jean de la Fontaine et ses Fables, qui se sont parfois substituer aux contes traditionnels du soir, quand nous étions jeunes enfants, juste avant de se coucher. Il peut aussi tenir le rôle de gardien du souvenir, je pense alors, et peut être vous aussi, à Aragon et son poème Strophe pour se souvenir. Mais il peut aussi devenir un être clairvoyant, auquel cas il peut remplir de nombreuses fonctions, celle de voir au delà des choses, et de révéler une chose du quotidien, banale, sous un jour nouveau, comme l'illustre le poème Les Chats, de Baudelaire, où le poète fait la description générale des chats en utilisant un vocabulaire poétique qui suscite la curiosité du lecteur, et qui lui fait voir cet animal, devenu source poétique, comme étonnamment particulier (un animal hypnotique, objet de fascination, avec une fierté démesurée et une apparence funeste).
Ainsi, en occupant, ces différents rôles le poète peut charger son poème de plusieurs fonctions différentes, comme celle de divertir, c'est le cas d'un poème écrit avec la vision de la poésie de Benjamin Péret, c'est à dire juste pour l'esthétisme, comme par exemple Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage, de Pierre de Marbeuf, où l'on observe un jeu sur les sonorités, non sans virtuosité de la part de son auteur. La poésie peut également émouvoir, faire naître au sein du lecteur des sentiments profonds, c'est le cas de la poésie lyrique, qui amène le poète à une exploration de soit, de son âme qui est aussi, implicitement, le reflet de celle de ces contemporains, ou des gens qui traverse les mêmes périodes de la vie, comme nous pourront le voir un peu plus loin avec le poème de Rimbaud. Enfin, la poésie peut avoir une fonction pédagogique, éducative, en effet elle peut délivrer un enseignement dans le but d'instruire le lecteur comme L'Âne et la Flûte Jean-Pierre Claris de Florian, ou lui révéler une vérité qu'on tente de lui caher, ou qu'il ne souhaite pas voir, car trop affreuse, ainsi que le montre ce second poème de Boris Vian, À tous les enfants, où il pleure les enfants mort pour la France et dénonce les profiteurs de guerres, on peut donc classer dans cette catégorie, la poésie engagée.
Sa place dans la société
La poésie est donc très peu médiatiser, ce qui témoigne d'un désintérêt de la population par rapport à la poésie ; mais d'où vient cette léthargie, face à laquelle cet art noble doit lutter ? Selon certaines études, la poésie suscite le plus fort intérêt dans une tranche particulière de la population, les 12-20 ans, c'est-à-dire chez les " ados " et les jeunes adultes. Serait-ce à cause des amours fleurissants, qui donnent vie à un romantisme exacerbée, ainsi qu'au topos du poème d'amour (ex : Pierre de Ronsard, Mignonne, allons voire si la Rose), ou à cause d'une période ou le sentiment que la société nous étouffe est plus saisissant, et que le besoin d'écrire devient impérieux ? Et quoi de mieux que la poésie pour matérialiser des sentiments sur le papier ! Est-ce alors l'évolution du sens du mot " poète " qui à pris ces dernière années un sens péjoratif de rêveur qui se met en marge du monde qui l'entoure ? Mais est-ce le poète qui s'exclut de la société, ou est-ce la société qui cherche à s'en débarrasser, jugeant son travail non productif, et insignifiant ? Or qu'a d'insignifiant une œuvre qui instruit le lecteur, qui le fait rêver, qui lui redonne espoir en dans l'humanité à une époque ou tous s'automatise ?
Néanmoins, quelques artistes, essayent de faire ressurgir la poésie, en créant de véritables poèmes qu'ils mettent en musique (milieu porteur dans notre société depuis une cinquantaine d'année), comme l'a fait Serge Gainsbourg avec de nombreuse de ces chansons devenues immensément célèbre (Les petits papiers, Dieu fumeur de Havanes, ou encore Bonnie and Clyde), et d'autres en reprenant des textes de divers auteurs poétiques, et en les adaptant en chanson. En disant cela je pense notamment à Jean-Louis Aubert qui m'a fait découvrir Boris Vian (avec sa reprise de Ils cassent le monde) et Arthur Rimbaud (avec son adaptation de Sensation). |