| Dernier souffleEt l'on pensera jusqu'à ce que le coeur faiblisse...Il avait fallu cet accident pour qu'il se rende compte que la vie ne tenait qu'à un fil si fin qu'il menaçait de lâcher à chaque instant.
Allongé dans une ruelle, il a eu mal là où l'homme a tiré. Mais son esprit s'évadant, ses pensées ont commencé à flirter avec des choses plus gaies. Le sang coule encore de son corps mais il ne le sent pas. Il est juste empli d'un bonheur et d'une gaieté sans commune mesure avec ce qu'il a connu jusqu'ici. Avec quelle insouciance ai-je gâché des moments et des souffles qui peuvent s'arrêter demain, se sermonne-t-il. Il est dans le "plus jamais ça". Il pense que le bonheur ne vient pas demain, qu'il faut arrêter d'attendre, cesser d'être un mendiant qui tend la main en attendant que le bonheur s'y pose. Il pense que chaque respiration représente quelques secondes de vie en plus. En avoir conscience. Il se concentre sur son souffle, sur le battement de son cœur. Il écoute un oiseau pépier, il écoute l'eau ruisseler dans le caniveau, il écoute le néon d'un vieux magasin grésiller au loin. Il a l'impression d'écouter le monde vivre. Est-ce cela avoir conscience de vivre ? Un cœur qui bat ? Un oiseau qui chante ? Une lumière qui s'éteint peu à peu ?
Il songe à ses erreurs, il songe à ses moments de joie. Il songe à la fille qu'il a eue et qu'il n'a pas connue. Il songe à la famille dont il s'est éloigné. Maintenant je vais vivre. Que doit-il faire pour vivre ? Etre heureux simplement ? Avoir conscience d'être heureux ? Avoir conscience d'avoir conscience d'être heureux ? Se répéter que la vie vaut la peine ? Ecouter Nietzsche et danser sa vie ?
Il se demande comment il aimerait vivre, ce qui lui donnerait vraiment l'impression de vivre. Il pense à ses vieux films et à leurs héros qui, sur leur lit de mort, confient à leur fils : "j'ai bien vécu, je ne regrette rien". Il voudrait lui aussi ne rien regretter.
Dieu sait qu'il regrette pourtant. Toutes ses erreurs, comment les effacer ? Comment a-t-il pu laisser mourir sa mère seule alors qu'elle l'avait tant protégé ? Comment a-t-il pu abandonner sa propre fille sans un regard pour elle, pourtant seul acte indéniablement réussi de sa vie ? Il ne sait même pas si elle lui ressemble ! Il aurait dû rester ! Il aurait dû s'en préoccuper ! Mais il va revenir, cet accident c'est sa deuxième chance !
On n'a jamais de deuxième chance.
Si son sang coule ce soir, c'est parce que le fil a lâché.
Bientôt il verra que le néon qui grésille n'éclaire personne.
Et que la vitrine du vieux magasin ne lui offre aucun reflet.
Il ne faut pas attendre sa deuxième chance.
Mais saisir la première que l'on a.
Celle de vivre. | | |
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