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Destin d'un clandestin (suite et fin)

Voici l'histoire d'un clandestin Algérien qui a du quitter son pays pour fuir une misére qu'il croyait avoir semé definitivement...


- Comment as tu rencontré ma tante Yamina ?
- Et bien quelques temps après mon départ en France, ma grand-mère a tenu a ce que je me marie rapidement, alors je suis retourné au pays ! Elle m'avait déjà trouvé une femme. J'ignorais tout d'elle mais comme la tradition l'exigeait je l'ai épousé sans dire un mot ! On avait fait une toute petite fête au village car on avait pas assez d'argent pour pouvoir organiser quelque chose de plus grandiose ! Mais on avait quand même réussis a réunir toute la famille, et on avait puisé pour cela dans les dernières économies de ma grand mère. Après la suite tu la connais !
- Oui ensuite tu es revenu en Algérie a plusieurs reprises ?
- C'est ça !
- Pourquoi avoir abandonner ta famille alors qu'elle mangeait son pain noir pendant toutes ses années mon oncle ?
- Ecoute bien, j'ai tenu mes engagements pendant très longtemps auprès de ta tante et de tes cousins en leur envoyant de l'argent... Mais après avoir passé 2 années de galére je ne pouvais plus le faire, tu comprends ? J'habitais dans un taudis a Belleville dans le 20 eme arrondissement avec 3 amis. Je gagnais a peine de quoi payer ma chambre. Il m'arrivait même d'aller ramasser les restes des fruits pourris sur les marchés quand cela etait nécessaire ! Alors comment dire a sa femme que son mari se débattait dans le dénuement le plus total dans un pays comme la France ? qu'il lui arrivait même de dormir dehors a la merci de tous ? non je ne pouvais pas ravaler mon orgueil et revenir en Algérie alors j'ai préféré lâchement me terrer dans cette vie qui ne m'offrait rien !
Hocine restait silencieux devant cet homme qui tentait de contenir ses larmes.
- Détourne ton regard de moi Hocine et garde ta compassion pour toi, tu en auras besoin ! ton pauvre père ne t'a t'il donc jamais appris a respecter tes aînés ? J'ai déjà perdu ma famille alors ne me laisse pas perdre la face devant toi !... Bon tu as plus que remboursé ta dette maintenant alors je t'héberge encore cette nuit mais demain il va falloir que tu trouves un autre endroit pour dormir car je ne pourrais plus te cacher ici !
Hocine se leva sans dire un mot et se dirigea vers la cave.
Il ouvrit lentement la porte et immergea dans la pénombre de son sanctuaire de fortune.
Le lendemain matin, Hocine se leva aux aurores, enfila de nouveaux habits et muni de son cabas alla voir son oncle pour le remercier de l'avoir accueilli et après lui avoir dit au revoir, le quitta avec le coeur empli de tristesse et d'incompréhension.
Le jeune homme sortit en route un morceau de papier et un billet de 20 euros que son oncle lui avait sans nul doute glissé discrètement dans la poche pour le dépanner des prochaines heures à venir.
Le papier contenait une adresse mais aussi un nom, celui de Aissa.
Cet homme pouvait probablement l'héberger et peut être même lui trouver du travail.
Hocine peinait à trouver son chemin a travers les ruelles parisiennes et après s'être finalement égaré au bout de nombreuses heures de marche il finit par s'adresser a des passants en leur tendant son bout de papier.
Quand il ne se faisait pas refouler tant son allure et son accent rendaient les citadins méfiants et parfois apeurés, il essuyait des refus de tout part. Certains prétextaient qu'ils ne connaissaient pas le lieu, d'autres faisaient mine de l'ignorer, et d'autres encore, le rejetaient parfois agressivement.
Il finit tout de même par avoir les informations qu'il cherchait de la part d'un jeune couple qui se promenait à proximité de lui.
On lui indiqua que le lieu qu'il recherchait se situait a quelques mètres de la grande place du marché.
Il s'engagea alors a suivre une route en suivant les indications et arriva finalement au lieu dit.
Il etait presque midi et le marché etait bondé de monde ; les gens affluaient de tous part.
Les étalages de fruits et légumes lui rappelaient qu'il avait faim.
Il sortit de sa poche le billet de son oncle et s'apprêta a acheter une ou deux pommes mais après une petite hésitation, il le rangea rapidement en se disant qu'il en aurait sûrement besoin plus tard.
Il interrogea les marchands de fruits au sujet de l'homme en question, mais nul ne pouvait l'éclairer au sujet de l'identité de celui ci.
Hocine désespérait de ne pouvoir le trouver car il avait fondé tous ses espoirs en ce mystérieux inconnu qui lui apparaissait désormais comme une sorte d'ultime providence.
Après avoir fait le tour du marché il s'assit sur un banc puis envisagea sérieusement de s'acheter un fruit pour calmer la faim qui rongeait son ventre a petit feu.
Il sortit a nouveau son billet, le fixa des yeux et se mit à méditer à son sujet :
- Quelle folie ! Et dire que c'est a cause de ça qu'on se rend malade aujourd'hui ! je maudit celui qui a inventé cette chose !
Soudainement, une voix rauque vint interrompre la profonde réflexion de Hocine :
- Oui tu as raison, l'argent est devenu notre guide, notre garantie de vie mais aussi celle de notre mort ! pendant que nous passons notre temps à vivre à travers lui, nous ne nous rendons pas compte à quel point il nous tiens à sa merci ! celui qui est pauvre envie le riche et celui qui en a trop angoisse pour sa fortune.
Lequel des deux est le plus à plaindre ?
- Qui êtes vous ?
- je m'excuse d'être arrivé comme cela, je vous avais entendu parler d'argent alors j'ai tendu l'oreille. Je m'appelle Maurice, mais tous le monde ici m'appelle Mau ! je passe mon temps à errer sur la grande place et d'ailleurs tous les marchands me connaissent maintenant.
- Vous ne travaillez pas ?
je suis à la retraite depuis un bon moment ! je n'ai rien à faire de mes journées alors j'évite de rester à la maison, c'est trop déprimant ! j'aime le contact, j'aime échanger des choses avec les gens alors je me suis lié d'amitié avec tous le monde ! Et puis de toute façon, ça fait longtemps que plus personne ne m'attend à la maison; ma femme est morte il y a 6 ans et mes enfants font leurs vies de leurs cotés ! Allons mon garçon ! Je ne suis pas à plaindre, je me suis fait à ma solitude maintenant !
- oui c'est vrai, mon père disait toujours que la solitude nous assiste a notre naissance et nous accompagne à notre mort !
- je vois que ton père est sage...
- oui mais il nous a quitté il y a quelques années maintenant.
- je suis désolé...
- Pour revenir à ce que vous disiez tout à l'heure, moi je plains plutôt le pauvre car l'argent fait malgré tous ce que l'on dit le bonheur. Lequel selon vous est vraiment le plus a plaindre mon ami ? le riche comme vous dites, qui ne trouve pas le sommeil dans son lit de luxe et ses draps de soie à 10 000 euros tout ça parce qu'il se ronge constamment les os pour la sécurité de sa fortune ou alors le démuni qui peut toujours pleurer sur son sort vautré sur son matelas troué de partout par des ressorts qui lui rentrent dans la peau alors que son lit n'arrête pas de basculer quand il désire changer de coté ?
le riche aura toujours les moyens d'aller se consoler confortablement auprès de ses billets !
- Et bien tu raisonnes comme un diable toi ! comment t'appelles tu déjà ?
- Hocine, monsieur !
- Et bien Hocine, dis moi plutôt ce que tu cherches, étant donné que je te vois tourner en rond depuis tout à l'heure, j'en conclus que tu es perdu ! je me trompe ?
-Je recherche quelqu'un qui s'appelle Aissa, tenez voici son adresse !
Le vieil homme prit le papier que lui tendit Hocine.
- Ah oui ! Aissa ! je sais ou il habite car il travaille sur le marché ! Mais aujourd'hui il n'est pas sur la place parce que c'est son jour de congé !
- Est ce que vous pouvez m'accompagner jusque chez lui ?
- Oui ma foi pourquoi pas ?
Hocine suivit le vieux Maurice a travers le marché, et grande fut sa stupéfaction lorsqu'ils s'arrêtèrent devant un café.
- Voilà, c'est ici qu'il habite !
- Quoi dans ce café ?
- Oui, mais je crois savoir qu'il fait office d'hôtel aussi !
- Je pense en effet que ça doit être chez lui !
- Bon je dois te quitter jeune homme, je suis ravi d'avoir fait ta connaissance, je te souhaite bonne chance !
- Merci beaucoup monsieur et bonne journée !
Le vieil homme quitta Hocine et se dirigea vers la place du marché pour se confondre dans la foule.
Hocine entra dans ce café qui paraissait très rustique tant l'état de la façade était abîmé !
Il y avait du monde au comptoir, la clientèle ne se composait qu'uniquement d'hommes d'origines maghrébines.
Hocine se dirigea vers le garçon de café.
- Bonjour, je cherche quelqu'un qui s'appelle Aissa !
- Vous etes qui ?
- Je m'appelle Hocine et c'est Idir Azzedine qui m'envoie à lui !
- Attend la, je vais voir ce que je peux faire pour toi !
Le garçon de café s'éclipsa rapidement en montant les escaliers qui jonchaient le mur du fond, pendant ce temps Hocine scrutait attentivement la salle du regard et avait remarqué que les clients avaient tous le visage creusé par les rides, leurs traits tirés semblaient trahir combien il avaient été sujet à l'effet du temps. Depuis quand ces hommes sont ils en France ? combien d'entre eux sont également dans sa situation ? Hocine sentait la rancoeur monter en lui tant l'atmosphère du café lui paraissait maussade.
-C'est bon, Aissa t'attends au premier étage, tu peux y aller !
le garçon de café fit signe à Hocine de se dirigea vers les escaliers.
Ce dernier traversa le café et monta les marches en bois qui lui paraissaient très frêles tant elles craquelaient de partout.
Arrivé en haut, il vit un long couloir sombre et lugubre dans lequel il pénétra avec beaucoup d'appréhension.
Il fit quelques pas en rasant les murs comme pour ne pas éveiller l'attention sur lui, mais une ombre surgit subitement dans son dos :
- Alors je suppose que tu dois être Hocine !
Ce dernier qui avait été surpris par l'intervention soudaine de cet homme reprenait son souffle :
- Oui... et vous, vous devez être Aissa ?
- Alors comme ca, c'est Idir Azzedine qui t'envoies à moi ?
- Oui, c'est mon oncle !
- Je ne savais pas qu'il avait un neveu ici !
- En fait je viens juste d'arriver en France et c'est d'ailleurs pour cela que je suis ici, je viens pour du travail !
- Qu'est ce que tu sais faire ?
- Je sais faire pas mal de chose : du bricolage, de la mécanique, de la peinture et même cuisiner si vous voulez !
- Est ce que tu as déjà travaillé sur un marché ?
- Oui bien sur en Algérie !
- Tu es en règle avec les papiers ?
- Oui pour le moment mais dans quatre mois mon visa de tourisme ne sera plus valable !
- C'est pas très grave ! de toute façon tu comptes pas repartir dans quatre mois ?
- Non pas du tout, il faut que je gagne d'abord de l'argent et que je fasse mes papiers !
- Pour l'argent on peut s'arranger si tu travailles bien, mais pour tes papiers tu es très optimiste !
- On m'a dit que ça serait possible d'en avoir si on voyait les bonnes personnes !
-Les bonnes personnes ? c'est pas facile à trouver ça mon ami ! Bon et sinon tu as un endroit ou dormir ?
-Non, mon oncle ne peut plus m'héberger !
-Oui j'imagine bien qu'il ne peut pas avec sa femme qui a le nez trop long ! Il ne m'a pas écouté quand il est parti vivre avec sa française, je lui avais dit qu'il valait mieux rester seul dans ce cas, c'est mieux pour les affaires !
- Vous allez l'air de bien connaître mon oncle !
- Très bien même ! On a travaillé ensemble pendant 10 ans ! à l'époque, on avait ouvert un petit café à Montmartre, puis un jour on s'est accroché au sujet d'une petite affaire et ça a suffit à mettre un terme à notre association. Je lui ai vendu mes parts du café et je suis allé travailler sur le marché ! j'ai économisé beaucoup d'argent pendant un bon bout de temps et puis j'ai acheté les parts de cet hôtel qui étaient à vendre ! Ecoute je ne suis pas rancunier et comme j'estime que notre histoire ne doit pas déteindre sur toi, je vais te proposer un petit marché : j'accepte de t'héberger et de te faire même travailler sur la place si seulement en échange tu viens généreusement apporter ta petite contribution pour faire tourner correctement le café et l'hôtel.
- Généreusement ?
- Oui, tu travailles le matin avec moi au marché, et l'après midi tu pars au café pour aider mon garçon de café mais cette fois ci à titre complètement gratuit ! Alors qu'en dis tu ?
- ça me va très bien !
Aissa esquissa un petit sourire du coin des lèvres.
- Bien, je savais bien que l'on trouverais un terrain d'entente !
- Et je commence quand ?
- Demain c'est jour de marché alors j'aurais besoin de toi ! quand nous aurons terminé tu fileras directement au café pour les aider ! En attendant je vais te montrer ta chambre. Suis moi !
Hocine suivit Aissa sans dire un mot.
Le lendemain matin, Aissa vint réveiller son "locataire" pour l'emmener travailler avec lui.
D'une façon impitoyable, Aissa n'épargnait pas Hocine dans la tache. La cadence de son travail l'essouffla très rapidement.
- Hocine, je n'ai plus besoin de toi, va au café maintenant, on te dira ce qu'il faudra faire !
Sans discuter il partit rapidement au café pour s'exécuter comme prévu à son contrat tacite !
Comme il l'avait imaginé, ce qu'il l'attendait au café n'était également pas de tout repos !
Pourtant, malgré toutes les difficultés et les bassesses que lui avaient réservé son employeur, Hocine acceptait et encaissait tous les cadeaux empoisonnés de celui ci au fil des long mois qui s'écoulaient !
Un jour en revenant du marché, Hocine prit conscience qu'il était grand temps d'aller voir Aissa pour qu'il lui fasse comme il etait convenu le premier versement de son salaire tant mérité.
- Aissa, j'etais en train de réfléchir au sujet de ma paye et je me disait que tu pourrais me payer car ma famille a besoin d'argent !
-... Oui c'est vrai, avec tous mes soucis j'avais oublié de te payer ! Bon je vais te faire un cheque car je n'ai plus d'espèce sur moi ! Alors je vais le mettre a l'ordre de... au fait à quelle ordre je dois le mettre ?
-... Heu, je ne sais pas, comme je n'ai pas de papiers je n'ai pas ouvert de compte à la banque !
- Que dirais tu si je le mettais à l'ordre de ton oncle Idir, ensuite il pourrais te donner en échange du chèque l'argent que je te dois ?
- Oui, c'est une très bonne idée ! j'irais lui amener le cheque tout à l'heure !
- Très bien, alors on fait comme ça !
Pendant qu'Aissa remplissait le chèque, Hocine se surprenait à rêver à des jours meilleurs pour sa mère et ses frères et soeurs qu'il n'avait revu depuis tellement de temps.
Hocine ramena le chèque à son oncle et prit l'argent qu'il comptait envoyer le lendemain en Algérie par le biais d'un ami qui allait partir dans son village.
En rentrant au café, Hocine vit son patron assis à une table en train de siroter un Ricard, l'air complètement agacé !
- ça ne va pas patron ?
- En fait, oui... car j'ai un petit problème !
- Un petit problème ?
- Oui... je vais devoir fermer le café d'ici la fin de la semaine car je ne fais plus assez de chiffre !
- Ah bon ? pourtant ça ne manque pas de clients ici !
- Tu sais, les affaires sont souvent trompeuses ! Mais tu n'y connais rien alors tu ne peux pas savoir !
- Alors que vas tu faire ?
- Je vais vendre tous ça puis avec l'argent je vais m'agrandir sur le marché !
-Et moi ? que vas tu faire de moi ? ou est ce que je vais dormir ? est ce que je travaille toujours au marché ?
- Ecoute... tu sais que j'aimerai bien te garder mais malheureusement je ne peux pas car je vais devoir reprendre mes employés du café pour travailler avec moi sur le marché et comme tu es le dernier a être arrivé...
- J'ai compris, n'en dis pas plus !
- Je suis désolé... Mais j'ai déjà fait le second cheque du reste de ce que je te devais ! tiens !
- Quand est ce que je dois partir ?
- Après demain ! je dois libérer les chambres assez vite !
Hocine monta se coucher, mais ne put trouver le sommeil car il ne cessait de cogiter au sujet de son avenir.
Deux jours plus tard, il prit à nouveau ses affaires pour quitter les lieux et décida d'aller voir son oncle Idir pour lui donner le chèque.
- Bonjour mon oncle, je te ramène encore un chèque !
- C'est inutile !
- Pourquoi ça ?
-Parce que ton employeur s'est foutu de ta gueule !
- Comment ça ?
- Ton chèque est sans provision, il est bidon, il ne vaut rien quoi !!!
- Mais ce n'est pas possible !
- Puisque je te le dit ! quand ma banque a voulu encaisser le premier, elle m'a téléphoné pour me dire qu'il etait en bois !
- Tu es sur de ce que tu me dit ?
- Regarde toi même ! On m'a même envoyé une lettre ce matin !
Hocine regardait le papier et sentait monter en lui un sentiment de désarroi et de colère qu'il ne pouvait définir.
- Le chien ! s'il a cru qu'il allait s'en sortir comme ca, il se trompe ! il va me le payer tout de suite !
Hocine enragé entreprenait sa course vers le café de Aissa lorsque son oncle lui agrippa le bras.
- Laisse tu ne pourras rien faire contre lui !
- Mais tu ne comprend pas ! j'ai besoin de cette argent, je l'ai gagné durement et honnêtement !
- Je sais... Mais il ne te donnera pas un sou, je le connais bien !
- Alors je vais le dénoncer à la police !
- Ah oui ? Toi, tu vas aller voir la police ? Et tu vas leur dire quoi ? Que ton employeur ne t'as pas payé ? Et après ? Tu penses que ça marche comme ça ici ? n'oublie pas qui tu es ! tu n'existes pas dans ce pays ! les seules lois qui existent au sujet de gens comme toi servent uniquement a vous renvoyer d'ou vous venez ! Aissa le savait, c'est pour ça qu'il t'a abusé comme cela ! tu n'es pas son premier pigeon et hélas je constate maintenant que tu ne seras pas le dernier !
- Si tu savais tous ça a son sujet, pourquoi est ce que tu m'as envoyé a lui ?
-Je ne savais pas qu'il continuait ses magouilles, avec le marché et le café qui lui assuraient un revenu stable, j'ai cru qu'il s'etait rangé mais le temps l'a envenimé d'après ce que je vois !
- Qu'est ce que je vais faire maintenant, j'ai pas un sou ! Et en plus j'ai envoyé ton argent en Algérie !
- Non, l'argent est encore la !
- Quoi ?
- Quand j'ai vu d'ou provenait ce chèque, j'ai contacté ton ami et lui ai dit d'attendre un peu avant de partir ! puis j'ai récupéré la somme que je t'avais donné !
-... J'ai l'impression d'être manipulé par tous le monde !
- Ecoute bien Hocine, tu as travaillé très dur chez Aissa pour rien, et je sais que tu as besoin d'argent pour l'envoyer à ta mère, alors je vais t'avancer des sous pour que tu puisses le faire tout de suite ; je te reprend avec moi et tu me rembourseras ce que tu me dois !
- Mais... je croyais que tu ne pouvais pas ?
- Je sais mais si je le fais c'est parce que j'ajoute a cela une dernière condition !
- Laquelle ?
- Je t'embaucherai clandestinement pendant un an, je te logerai dans une de mes chambres mais en échange, tu devras économiser ce que je te donne et ensuite partir...
- Quitter ton café ?
- Non, la France !
- La France ? mais...
- En un an, tu auras largement assez pour refaire ta vie en Algérie avec ta famille !
- Mais alors, tu ne me laisse aucune chance de réussir ici ?
- Non, je t'offre une chance de réussir la bas ! En France, tu n'as plus l'ombre d'une chance car la pauvreté est plus grande quand on est seul ! Et puis, la bas tu pourras ouvrir un commerce, et puis qui sait, plus tard tu pourras même revenir ici quand les affaires iront mieux ! Réfléchis bien cette nuit à ce que je viens de te dire, tu me donneras ton avis demain !
Pensif, Hocine prit ces affaires et se dirigea vers la cave du café.
- On dirait que cet endroit t'a manqué dis donc !
- C'est la que je vais dormir a nouveau ?
-Non, je vais te donner une chambre imbécile !
- Heureusement que tu me dis ça car je me voyais déjà dormir à nouveau avec les cafards et les rats !
- Allez monte vite t'installer ! demain une dure journée t'attend !
Et c'est ainsi qu'après avoir mûrement approuvé la réflexion de son oncle, Hocine fut prit sous son aile durant plusieurs mois. Il renouait ainsi à nouveau avec le quotidien qu'il avait toujours connu depuis qu'il était en France. Un an s'écoula rapidement et déjà Hocine envisageait son retour comme un déchirement et une délivrance à la fois. Il ne savait pas trop si la joie de revoir à nouveau sa famille était plus forte que les regrets qu'il avait de devoir quitter la France et tous ce qu'elle aurait pu lui offrir s'il l'avait connu sous l'ère que lui avait décrit ses aînés.
- Alors c'est demain le grand jour ?
- Oui mon oncle !
- Alors tu es prêt maintenant ?
- Oui je crois !
- Ne t'inquiètes pas pour ton argent, je l'ai fait envoyer comme tu me l'as demandé à ta mère !
- Oui je sais...
- Quand tu arriveras la bas, tu lui passeras un bonjour hein ? Je compte sur toi !
- Ne t'en fait pas, je n'y manquerais pas !
- Ton avion part demain matin a 11h00 !
- Il va falloir que je me lève tôt alors !
- Tes bagages sont préparés ?
- Pratiquement ! il me reste juste qu'une valise à finir !
- Bon je crois que tu vas aller te coucher maintenant, il est 23h00 et comme tu l'as dit, il va falloir que tu te lève
tôt !
- Alors j'y vais, je te souhaite une bonne nuit mon oncle !
- Bonne nuit mon garçon !
Hocine monta les marches silencieusement et s'engouffra lentement dans le couloir de l'étage.
Le lendemain matin, Hocine prit ses bagages et descendit les marches péniblement tant leurs poids le déséquilibrait.
- Bonjour mon oncle !
- Bonjour Hocine ! Alors tu es prêt pour le départ ?
- ça y est ! j'ai tout ranger dans les valises !
- Bon alors il ne me reste plus qu'a appeler un taxi !
L'oncle Idir prit le téléphone et s'exécuta.
Quelques minutes plus tard, un taxi attendait devant le café.
Hocine s'avança alors une dernière fois vers son oncle.
- Tu m'accompagnes a l'aéroport ?
- Non ! il vaut mieux pour nous que nos routes se séparent ici mon neveu !
- Alors il ne me reste plus qu'a te dire au revoir mon oncle et a te remercier du fond du coeur pour tout ce que tu as fait pour moi !
- Oh... il ne faut pas ! c'est la moindre des choses que je pouvais faire ! c'est moi qui te remercie de m'avoir apporté encore un peu de fraîcheur !
- Passe nous voir la bas cet été...
- Allez file... ton taxi ne va pas t'attendre éternellement !
- Au revoir...
Hocine entra dans le taxi avec ses bagages et d'un dernier geste de la main il fit a travers la vitre de la portière encore signe a son oncle. La voiture s'en alla rapidement soulevant derrière elle un énorme nuage de fumée lâché par le pot d'échappement puis s'effaça lentement à l'horizon. L'oncle Idir restait encore sur le pas de la porte a surveiller peut être un éventuel et cependant improbable retour du véhicule, mais il finit par admettre au bout de quelques minutes que son neveu était bel et bien parti pour de bon.

Quelques semaines après, L'oncle Idir reçut une lettre en provenance d'Algérie. Il déchira aussitôt l'enveloppe, déplia délicatement la lettre puis se mit a lire les mots que lui adressait son neveu Hocine :


Cher Oncle Idir

Cela fait maintenant un bon moment que la France ne demeure plus pour moi qu'un lointain souvenir. J'ai tenu à te dire encore une fois combien tes conseils ont porté leurs fruits et que sans toi, je serais sans nul doute encore quelque part en France à me vautrer dans la misère que j'ai finalement semé.
Je ne pourrais jamais te remercier assez non plus pour le soutien que tu m'as apporté la bas en risquant gros chaque jour en m'hébergeant ainsi comme tu l'as fait.
Comme tu t'en doute, après t'avoir laissé derrière moi, j'ai plongé dans une tristesse profonde et je n'arrivais pas à me faire à l'idée que j'allais retrouver l'Algérie... ce pays qui m'avait ferré sur la peau la marque de la souffrance. Oui... je ne songeais déjà plus qu'à tous ce qu'elle m'avait offert de mauvais. Mais les retrouvailles avec les miens m'ont vite rappelé combien ce pays m'avait manqué et que les grands espaces et la liberté étaient pour moi aussi cher a mes yeux.
Je pensais alors que la Kabylie allait redevenir ma terre d'accueil mais je me trompais encore à nouveau car j'avais réalisé en réalité qu'elle ne m'avait jamais quitté. L'Algérie est un pays vaste, et nous en gardons tous un morceau au fond de chacun de nous.
Quand j'ai foulé à nouveau ma terre, j'ai regardé devant moi cette montagne qui s'élevait fièrement à l'horizon et je me suis dit que comme elle je continuerais a rester fièrement debout.
Aujourd'hui j'ai ouvert grâce à mon argent un garage en ville. Les affaires marchent très bien, tellement bien que j'ai pu engager des employés. Je suis actuellement en train de construire une maison car j'envisage prochainement de me marier et j'ai d'ailleurs l'immense joie de t'annoncer que tu es invité. Saches que tu es la première personne que je désire voir à mon mariage alors je compte énormément sur toi pour venir.
Désormais la vie me semblera moins pesante grâce à toi et à Dieu et c'est pour cela j'ai décidé avec ma fiancé que si notre premier enfant était un garçon il porterait ton prénom pour te rendre hommage mon oncle.
Voilà, ma lettre arrive à terme et mes mots ne suffisent plus à t'exprimer encore une dernière fois ma gratitude !
Saches alors que c'est avec le coeur lourd que je te laisse mais que je continuerais à t'écrire et à te téléphoner régulièrement pour prendre de tes nouvelles.

Hocine


L'oncle Idir achevait à peine de lire sa lettre qu'il s'essuyait légèrement les yeux.
- Ah saleté de poussières !

quelques mois plus tard, Hocine épousa sa fiancée. Celle ci lui donna un petit garçon qui fut nommé Idir à la mémoire de son oncle.
L'oncle Idir n'a jamais répondu à l'invitation de son neveu. Il mourut peu de temps après d'une rupture d'anévrisme. Son corps fut rapatrié selon ses dernières volontés en Algérie pour y être enterré parmi les siens.
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Publié le 21 mai 2003
Modifié le 21 mai 2003
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