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Fatigue

Alors que le bac approche, elle ne dort plus. Trop absorbée par ses révisions, elle n'a pas de répit à se donner. Elle doit continuer, travailler sans relâche. Pourtant, cette après-midi, elle a choisit exceptionellement d'aller en ville pour voir ses amis, elle ne comprend pas encore les raisons de son choix. Ce qu'elle ne sait pas, c'est qu'elle ne fait qu'amorcer la descente.


Elle était assise à l'intérieur de ce bar ambiance boîte de nuit, il faisait un temps magnifique dehors, sur la terrasse. Elle était ici parce qu'on l'avait invitée. Au début, elle n'avait pas voulu venir, elle devait réviser, c'était l'avant-dernier week-end avant le bac, il ne fallait pas relâcher la pression. Derrière elle, l'écran géant diffusait les clips de MTV, là c'était Hung Up ! de Madonna, la mélodie principale lui était familière, mais d'où venait-elle ?

Devant elle s'étalaient ses copines en cercle autour d'une table, quelques-unes étaient des amies. Il y avait également quelques mecs qui les entouraient, elle les connaissait plus ou moins, c'était des boyfriends ou de simples connaissances. François, son copain à elle, était à sa droite. Dans son groupe de fréquentations, elle avait été une des dernières à se caser. Elle s'était retrouvée seule à une fête, il était seul aussi, il s'était assis à côté d'elle puis lui avait dit quelques banalités, et tout s'était fait assez vite. Elle était attachée à lui, ils ne parlaient pas beaucoup, ce qui était un bon signe pour elle. Elle allait bientôt tomber amoureuse, pensait-elle.

Elle avait commencé par résister à la proposition de Sophie de venir en ville tout en sachant qu'elle finirait par céder sans que les arguments de son interlocutrice y soient pour quelque chose. Pourtant elle ne comprenait pas son choix, elle devait travailler, elle l'avait fait la veille toute la nuit et tous les jours depuis la fin des cours. Cela ne lui paraissait pas suffisant, elle pouvait faire mieux, elle voulait décrocher cette mention bien pour être sûre d'aller en prépa, son dossier avec 13,5 de moyenne général sur deux ans ne lui suffisait pas. Elle commençait à regretter d'être venue, et elle paniquait car elle avait décroché de la conversation en cours depuis au moins une minute. Son copain cherchait apparemment à lui soutirer un smack, elle le lui donna. Elle remis derrière son oreille une mèche qui s'était déplacée sur sa joue. Un éclat de rire s'éleva autour de la table mais elle n'en connaissait pas la cause, néanmoins cela ne l'empêcha pas de rire aux éclats. Elle détendit sa gorge afin de rire plus fort que Nathalie, Rachel et Louise pour leur soutirer un peu d'attention. Elle but une gorgée de son diabolo citron (jamais d'alcool) puis, attendant une seconde de silence, elle déclara : "Quelqu'un sait où est Johnathan ?" bien qu'elle ne s'en souciât pas vraiment, "Il devait pas voir sa copine là ? ; "Ah ouais, l'autre folle là ?" ; "Rho, arrête, je l'ai vue elle est vachement sympa" ; "Mais non il m'a dit qu'il révisait" ; "Ouais, il révise avec sa copine"; "C'est ça, il "révise", moui, vachement... " dit-elle en secouant la tête ; son insinuation plut à l'assemblée et elle continua à participer activement à la conversation.

Le bras de François qui enserrait sa taille la gênait. Elle s'éclipsa aux toilettes pour éviter de lui dire de l'enlever. Elle faillit se tromper de porte et se sentit conne. A l'intérieur, elle se regarda dans la glace, elle se trouvait pas mal mais ses indécrottables cernes la gênaient, elle les dissimulait toujours sous une tonne de fard à paupière. Leur origine était sans rapport avec la fatigue, pensait-elle, elle s'était habituée à dormir peu, voire pas du tout. D'ailleurs, elle ne dormait presque plus ces derniers temps et cela ne semblait pas la déranger. Au début, elle était souvent fatiguée mais maintenant tout le monde n'arrêtait pas de lui dire qu'elle pétait la forme, ces cernes étaient sûrement héréditaires... Elle revint à la table en souriant à son boyfriend. Passait-elle du bon temps ? Elle n'en savait rien, mais il était important de montrer que c'était le cas. Pour cela, elle affichait toujours un sourire gloss framboise, un ton enjoué et des éclats de rire singuliers.

Cependant, tandis qu'elle discutait de personnes qu'elle connaissait à peine, quelque chose la tracassait. Ce que faisait Johnathan elle s'en foutait, mais si il était vraiment en train de réviser c'était troublant. Elle avait entendu dire qu'il était plutôt du genre glandeur et elle, de son point de vue, travaillait normalement. Donc si lui avait échappé à une réunion de potes pour réviser, elle vit cela comme une sonnette d'alarme lui disant qu'il était temps de se mettre vraiment à bosser. Elle regarda l'heure sur son Nokia rose. 17h, elle déglutit durement et son sourire se crispa, elle était donc restée si longtemps en ville, elle aurait à peine le temps de réviser ce soir. Elle glissa dans l'oreille de François : "Je crois que je vais y aller" et il lui répondit "Attends un peu, on se voit pas beaucoup avec toutes tes révisions, reste", "Bon, d'accord" répondit-elle en ajoutant un semblant d'affection dans sa voix pour écraser un accés de frustration. Mais c'était trop tard, révisions, bac, prépa, avenir, elle ne pensait plus qu'à ça. Elle se souvenait de ce que disaient ses parents : "Je suis sûr que tu peux avoir la mention bien, il suffit de faire quelques efforts", "Tes grands parents seront heureux que tu ailles en prépa", "C'est la dernière ligne droite avant le bac, reste concentrée". Les minutes passaient nerveusement et elle ne pouvait plus détendre ses doigts sur son verre car il était vide. "Et sinon les révisions vous en êtes où ?" lança Vincent, "M'en parle pas, mes parents arrêtent pas de me faire chier avec ça, "faut pas que t'ailles au rattrapage", blablabla... " ; "Bah moi je suis quasiment sûr de redoubler alors... " ; "Et toi ?" lui demanda Vincent voyant qu'elle n'était pas incluse dans la conversation, "Oh ben je révise, comme tout le monde, mais j'essaie de pas trop me prendre la tête avec ça tu vois" dit-elle machinalement, comme toute les fois où on lui avait posé cette question. Elle se sentait mal à l'aise, l'angoisse du travail non fait la torturait. Elle voulait partir, mais ne voulait pas être la première à briser le cercle, malheureusement personne ne semblait être décidé à bouger. Elle plongea donc la main dans sa poche et fit une combinaison de touches apprise par coeur pour que son portable sonne, une astuce qui l'avait sauvée de nombreuses fois. Jouant la surprise quand le tintement polyphonique se fit entendre, elle décrocha et inventa une conversation brève sur un ton d'excuse puis appuya sur la touche rouge et sur un air de ça-me-fait-trop-chier-de-vous-quitter elle dit "C'était ma mère, je devrais être à la maison depuis une demi-heure, je dois y aller". Elle se leva sous les exclamations de déception plus ou moins sincères, fit la tournée de bises d'adieu et réserva une pelle à François. Elle arracha son sac à la banquette et l'enfila sous son aisselle puis fit un dernier salut avec sa main vernie.

Ses escarpins résonnaient sur les dalles, elle marcha rapidement jusqu'à son arrêt habituel. L'attente du bus lui fut insupportable, encore des minutes de perdues, pensait-elle. Révisions, bac, prépa, avenir. Elle s'engouffra dans le bus puis échoua sur une des places libres du fond. Sur le chemin du retour elle regardait le soleil qui déclinait vers d'autres horizons de la Terre, elle sentait de la crasse sur le contour de ses yeux, le maquillage, supposa-t-elle. La lumière encore vive laissait des traces sur sa rétine et un picotement s'intensifiait derrière ses globes oculaires, elle décida de fermer les yeux un moment.



Elle les rouvrit et se retrouva dans une salle de classe qui aurait très bien pu se trouver dans son lycée, exception faite du plafond très haut et de l'absence de fenêtre. La lumière froide qui éclairait la pièce provenait d'un nombre anormalement élevé de néons suspendus au plafond et collés aux murs. Elle regarda autour d'elle et vit des élèves aux faces indistinctes gisant sur leur table, ils dormaient. Au moment de cligner des yeux par réflexe, comme les êtres humains le font une fois toutes les dix secondes, elle se rendit compte que c'était impossible, comme si ses paupières étaient collées sous ses arcades. La poussière se logeait sur les parois humides de ses yeux et provoquait un fourmillement de moins en moins supportable, jusqu'à qu'ils se brouillent d'humeur lacrymale et que le picotement disparaisse. Des larmes se formèrent et traçèrent des sillons dans son maquillage puis vinrent mourir sur les épanchements de son nez. Le cycle recommença, et ses yeux lui firent mal de plus belle. Elle était prisonnière de la douleur, pleurant doublement à cause de la poussière et de la souffrance.

Soudain un homme en costume-cravate entra violamment dans la pièce et se dirigea diligemment vers elle. Les muscles de son cou se contractèrent jusqu'à la crampe, la forçant à regarder l'homme en noir. Celui-ci la dévisagea puis lui dit "Eh bien mademoiselle, vous n'avez toujours pas commencé votre examen ?", il pointa du doigt le pupitre et elle vit une feuille de copie type Bac souillée par ses larmes. Elle eut soudain un haut le coeur et cracha sur sa copie une glaire sombre mêlée de sang et de salive qui grouillait d'insectes. Plongée dans l'effroi, elle se rétracta sur sa chaise et éloigna la table en tremblant, ses yeux la brûlaient et les larmes ruisselaient. Elle se sentait misérable et pensait qu'elle allait bientôt régurgiter autre chose, elle voulait à tout prix l'éviter. Un goût horrible envahissait sa bouche, l'homme en costume la pris par l'épaule et ajouta : "Il serait temps de s'y mettre, mademoiselle. Ici, c'est le Terminus".



"Mademoiselle, c'est le terminus. Mademoiselle !" Elle ouvrit les yeux, ses paupières n'avaient jamais été aussi lourdes. Devant elle se tenait le chauffeur du bus, visiblement gêné de devoir la réveiller ainsi, bien qu'il ne devait pas rentrer en retard au dépôt. Assomée, elle balbutia quelques excuses et sortit du bus en marchant d'un pas endolori. Heureusement, son arrêt habituel était juste avant le terminus, en revanche cela signifiait qu'elle avait dormi une demi-heure et que cela était passé en un éclair. Sur le chemin du retour elle ressentait tout le poids de la fatigue que son assoupissement avait fait ressurgir, cela la contrariait, elle qui était toujours aussi réactive, aussi en phase avec son corps. Là elle n'était qu'une loque fatiguée qui traînait la savate pour rentrer chez elle, alors qu'une tonne de boulot l'attendait.

Une fois chez elle, elle se servit un café bien corsé et piqua un excitant dans les médicaments de sa mère. Lorsqu'elle sentit qu'elle était artificiellement éveillée, elle se mit aussitôt au travail. Elle prit les pochettes où elle avait rangé tous ses cours de l'année, une par matière, puis elle relut attentivement chaque leçon, refaisant les exercices dont elle avait soigneusement noté les références dans la marge. Lorsqu'une leçon était terminée, elle préparait sa fiche de révision sur celle-ci puis passait à la suivante, réitérant les mêmes opérations encore et encore. Lorsque son attention faiblit après deux heures de travail acharné, elle repartit vers la cuisine pour se préparer à nouveau du café. Ses parents mangeaient, ils ne lui proposèrent pas de s'installer, ils savaient depuis quelques jours qu'elle préférait travailler seule dans son coin. Finalement elle dit à ses parents qu'elle embarquait la machine à café dans sa chambre car elle était sûre d'en reprendre, ils ne bronchèrent pas et l'encouragèrent : "Fais tout ce qui te semble bon pour tes révisions". Elle relisait ses cours, relisait les chapitres des bouquins, faisait des exercices supplémentaires puis finissait par faire ses fiches de révision qu'elle relisait ensuite. Elle s'accorda un bref coup d'oeil par la fenêtre pour remarquer la pleine lune, elle pouvait entendre le grondement lointain du tonnerre. Révisions, bac, prépa, avenir. Plus elle révisait, plus elle était anxieuse, elle découvrait peu à peu l'ampleur de la tâche, elle était angoissée par l'idée de ne pas en faire assez. A chaque fois qu'elle apprenait un truc, elle pensait l'oublier quelques instants après. "J'y arriverai jamais, j'y arriverai jamais, se répétait-elle, le bac est dans une semaine et je ne sais rien".

Un climat délétère s'installa en elle, elle se complaisait dans l'idée de l'échec, elle pensait qu'elle foirerait carrément son bac, que plus rien ne pouvait la sauver au point où elle en était et que, malgré tout ce qu'elle pourrait donner cette semaine, s'en était fini pour elle. Deux heures du mat', l'obscurité envahissait les bordures de son champ de vision et le tonnerre s'était rapproché. Elle se prépara une nouvelle tasse de café, elle en avait pris un nombre incalculable depuis le début de la soirée. La lumière de chevet chauffait sa trousse et lui décalquait les yeux, de temps en temps un éclair zébrait le ciel et éclairait sa chambre toute entière. Elle tremblait légèrement à cause de toute la caféine ingurgitée, tant mieux, cela la gardait éveillée, se disait-elle.

Lorsqu'elle porta la tasse à sa bouche, la lune se refléta brièvement sur la surface noirâtre et mis en évidence quelque chose de noir et luisant s'agitant dans la tasse. Elle l'aperçut et en une seconde et un cri, la tasse vola en éclat contre le mur, répandant du café sur toutes ses affaires de cours. Il y eut un déchirement dans le ciel et la pluie commença à tomber, malmenant les pelouses du quartier. Frappée de terreur par ce qu'elle avait entraperçu, elle haletait, elle songea à fuir puis se rasséréna pensant que rien ne devrait être en mesure de la déranger dans son travail. Pleine d'appréhension, elle empoigna sa paire de ciseaux pointus de la main gauche puis chercha la bestiole noire de ses yeux affolés. Elle vit enfin quelque chose s'agitant sous une feuille et elle entendit une sorte de grouillement ressemblant étrangement à un rire, elle attendit quelques instants, puis lorsqu'elle entendit à nouveau le grouillement, elle frappa de toutes ses forces.

Plus rien ne bougeait sous la feuille. Soulagée, elle reprit son souffle et s'affala sur le dossier de sa chaise, elle pouvait se détendre maintenant que la bête n'était plus. Cependant, la simple vision de son espace de travail souillé par le café fut un coup de fouet pour son esprit. Comment allait-elle travailler dans ces conditions ? Pourquoi cela lui arrivait-il, à elle ? Qu'avait-elle fait pour mériter cela ? Elle allait sombrer dans le désespoir mais elle sentit une violente piqûre au poignet qui nettoya ses pensées. La bête, qu'elle croyait avoir tuée, s'était fixée sur son bras, une espèce d'énorme coccinelle aux yeux jaunes, noire et huileuse, qui enfonçait un dard sous sa peau, puis un deuxième, et qui tiraient de part en part le tissu charnel pour l'ouvrir. Elle regarda avec horreur sa peau qui se déchirait lentement et les dizaines de pattes qui s'engouffrèrent dans l'orifice formé, forçant un peu plus sur l'ouverture afin que le corps rond et brillant s'incruste dans sa chair. Au début, elle était trop stupéfaite pour réagir, mais la violente douleur ressentie la ramena à la réalité. Elle remarqua qu'elle tenait encore ses ciseaux dans l'autre main. D'une résolution froide, serrant les dents, elle pris une grande inspiration et abattit l'objet pointu sur l'endroit où l'insecte infernal disparaissait à moitié dans son bras. Les lames s'enfoncèrent profondément dans la chair, touchant les veines et les jonctions des os. Trop tard, elle avait raté la créature, celle-ci remontait à présent l'avant-bras sous la peau, une bosse se frayant un chemin entre les os, les tendons et les veines. Hurlant pour surmonter la douleur, elle frappa son bras à l'instinct, suivant la trace de souffrance laissée par la créature, déchirant les tissus, éraflant les os, elle céda à la rage, prise d'une effroyable haine pour cet insecte qu'elle n'arrivait pas à tuer. Lorsque le sang recouvrit entièrement son bras elle se mit à frapper au hasard, saturée de douleur elle criait à s'en écorcher la voix : "LAISSE MOI RÉVISER, LAISSE MOI, JE DOIS AVOIR MA MENTION BIEN, ALORS ARRÊTE, ARRÊTE !". Son avant-bras ressemblait à un amas de chair déchiquetée et de tissus déchirés. De nombreux vaisseaux rompus répandaient le liquide artériel au milieu des feuilles. Partout le sang avait giclé en petites gouttes. Le tonnerre retentit une dernière fois derrière elle. Un éclair illumina son visage éclaboussé de sang, lentement, ses yeux se révulsèrent et sa tête tomba lourdement sur le bureau.



"... Possible... Suicide... Z'y croyez vous ?... Plutôt sauvage... Violent... Baignait dans son sang... Vu la gueule du bras... étrange... Pas tombée dans les pommes !... Dormait... Ses parents... Choc... M'étonne ! Tends... Se réveille... Crois"

Elle ouvrit les yeux et la première chose qu'elle vit fut le plafond blanc, la couleur semblait si vive qu'on aurait dit qu'elle lui attaquait la rétine. Elle papillonna longtemps des cils avant de s'accommoder à la lumière. Elle se sentait extrêmement vaseuse. Deux têtes firent irruption dans son champ de vision. "Bonjour, je suis le docteur Picardo, responsable de l'intervention... " Elle sentit que son bras droit était plus lourd que l'autre, elle comprit qu'il était enveloppé par une tonne de bandages. "... Et voici l'infirmière Pulaski qui est votre responsable depuis votre admissions aux urgences, comment vous sentez-vous ?". La bouche ultra pâteuse, elle tenta une réponse : "S'est... Passé... Quoi ? Me sens... Mal". Le docteur répondit "Eh bien, vos parents vous ont amenée assez amochée aux urgences, et la chose incroyable c'est que, malgré vos blessures importantes, vous dormiez. L'anesthésie fut rapide, par contre recoudre tout le bazar que vous aviez fait ne fut pas une mince affaire. Heureusement j'avais quelques étudiants par là qui... ", l'infirmière lui fit une moue pour qu'il abrège, "... Hem oui, enfin heureusement, vous n'avez t... Aucun nerf n'a été touché. On va vous garder quelque jour en observation... Psychologique, excusez-moi, je dois aller m'occuper d'autres patients maintenant." Elle leva sa main valide au prix d'un grand effort pour poser une dernière question mais le docteur était déjà parti. Heureusement l'infirmière était toujours présente. "Le b... Bac ?" articula-t-elle. L'infirmière eut un sourire d'apaisement et lui dit : "Je suis désolée, les épreuves ont commencé aujourd'hui même, tu as dormi une semaine entière, c'est fou ! On a du te bouger de la salle de réveil car tu ne te réveillais pas ! Pour le bac, tu le passeras en septembre, l'hôpital te fera tous les papiers nécessaires, ne t'inquiète pas."

Ne t'inquiète pas. Cette phrase la frappa imperceptiblement au creux de son âme, elle eut une brusque nausée sentimentale des dernières années et elle se mit à pleurer. Des larmes pures et libératrices, des larmes qu'elle attendait depuis longtemps. Elle pleura pour tous ses prétendus amis qu'elle connaissait à peine, elle pleura pour toutes ces années de destruction psychique au lycée, elle pleura pour sa famille qui lui avait tracé une voie dont elle ne voulait pas, elle pleura pour le travail et le stress excessif. Elle pleura parce qu'elle ne savait rien en dehors des cours, mais elle pleura avant tout pour toutes ces heures de sommeil qu'elle avait perdues. Maintenant elle savait, elle savait que si elle avait dormi plus, elle n'en serait pas là. Elle voulait juste être en paix, pas de révisions, bac, prépa, avenir, juste le sommeil, dormir et ne jamais se réveiller. Le silence.

L'infirmière lui tenait la main, attendant qu'elle finisse de pleurer, n'intervenant pas, puis elle murmura une fois que les larmes furent séchées : "Tu es encore fatiguée, allez, maintenant dors."
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Re: Fatigue
Posté par flûte! le 07/01/2007 00:17:21
J'ai beaucoup aimé ton histoire, c'est captivant et bien écrit. Ceci étant dit, je cours lire d'autres articles écrits par toi!
Re: Fatigue
Posté par jacquesv le 22/09/2006 00:05:40
raz,
Style excellent!
(comme d'habitude...)
Re: Fatigue
Posté par raz le 29/08/2006 01:20:28
C'est une fiction, évidemment. Ce que j'ai voulu montrer dans le texte c'est qu'il est dangereux de travailler jusqu'à l'aliénation comme on vous encourage à le faire en terminale S, trop de travail engendre trop de stress et de fatigue, ce qui est dangereux pour l'organisme. Pour moi, la clé de la réussite du bac est de le passer sans stress, et pour cela, il suffit de travailler moins.
Evidemment, ce ne sont pas vos profs ni vos parents ni les media qui vous diront ce genre de conseil, mais pour moi cela a marché.
Re: Fatigue
Posté par luly le 12/08/2006 16:18:38
whao!!!!c un peu gors qd mm mais c'est un très beau texte!!j'espère quand mm que c'est pas une histoire vraie...
Re: Fatigue
Posté par nawham le 11/08/2006 15:21:16
Belle atmosphère opressante, j'était trop dedans ^^ j'espère que sa finira pas comme sa pour moi...je passe mon bac cette anée :(
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L'auteur : Raz ...
35 ans, Poitiers (France).
Publié le 22 juillet 2006
Modifié le 29 mai 2006
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