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L'empire des larmes

Voici un livre que j'ai commencé à écrire l'année dernière. Vous trouverez le premier chapitre ici et peut être la suite. J'espère que la lecture va plaire aux adeptes de la magie et des dragons...


Jeva naquit le quatrième jour de l'an 2678, dans une des quatre forteresses de l'immense Tao, la ville mère du pays de Dane. De par sa caste, Rane, la mère de Jeva, avait dû enfanter seule face à la douleur dans le couloir le plus sombre du sous-sol de la cité, là où la maladie sommeille et attend patiemment un visiteur. Mais elle n'avait pas peur. Elle savait que son enfant ne vivrait pas plus de trois jours : ce n'était pas son premier. Combien en avait-elle fait ? Elle ne le savait plus. Qui en était le père ? Elle ne le saurait jamais. Ce qu'elle savait, c'est que celui-là ne serait pas, comme tous les autres avant lui, une bouche à nourrir. Tout était clair à présent dans son esprit. Elle s'était depuis longtemps préparée : s'il mourrait, tant mieux, sinon elle devrait l'abandonner. Dans ce pays où la seule chose dont on se nourrissait était l'espoir, elle ne pouvait pas se permettre de le garder. Mais quand vint le moment, elle douta comme toute mère l'aurait fait : n'était-ce pas le moment de réaliser ce dont elle rêvait, à savoir élever son propre enfant... Non, elle ne pouvait pas, elle ne devait pas : elle était impuissante devant tout cela. Comment garder une vie quand pour survivre elle n'avait qu'un bout de pain le matin ? Ce n'était qu'une mauvaise étape de plus à passer. Et c'est avec cette pensée qu'elle mit au monde Jeva alors que le soleil arrivait dans les premières étapes de son interminable cycle.
Rane avait fermé les yeux. "Enfin... " ce mot résonna dans ses tempes quand, après plusieurs heures d'attente interminable dans ce couloir où l'obscurité peut être associée à la nuit, son ventre se contracta. Le sang et la souffrance lui montèrent à la tête si vite qu'elle crut s'évanouir et c'est seulement une demi-heure plus tard qu'elle se rendit enfin compte que la chose qui criait près d'elle n'était rien d'autre que l'enfant qu'elle venait de mettre au monde. Tout de suite après, elle n'eut plus qu'un but et un seul; elle devait s'en débarrasser. Elle ne pouvait finalement pas attendre pour voir s'il mourrait ou non. Elle n'avait pas le temps, mais surtout, elle savait qu'après, elle n'aurait plus le courage de l'abandonner. Elle devait le faire maintenant avec le peu de force qu'il lui restait : il fallait qu'elle parte d'ici. Elle se leva mais ses jambes ployèrent au même instant sous son poids. Elle se retint de justesse au mur poisseux et gelé qui était à sa droite et essaya d'avancer. Ses muscles se remirent à fonctionner, puis sa marche fut plus aisée et plus rapide; soudain, une force la fit retomber au sol, les genoux contre terre. Elle se releva, mais cette fois ci, ses muscles ne voulurent réagir : elle était comme prisonnière d'une cage invisible. Une force l'empêchait d'avancer. Elle força de tout son corps et soudain, le temps d'un cri, porta la main à son cœur : une douleur terrible venait de la frapper. Elle retomba sur le sol, morte.
Une voix résonna alors contre les murs. Une voix qui semblait irréelle et froide. Une voix qui n'avait pas été entendue depuis 2000 ans.


Salimane se réveilla en sursaut. Il avait le corps couvert de sueur bien que l'air qui l'environnait soit très froid. Il habitait au sous-sol, dans la partie de la cité où la température était toujours à la limite de ce que les savants appelaient le "niveau de dégel". Malgré son rang de chef du conseil des sages et de premier ministre de Tao, Salimane avait préféré vivre parmi la partie la plus défavorisée de la population car il pensait que pour rendre heureuse une cité ou du moins lui permettre de vivre sans trop souffrir, on devait tout d'abord comprendre ce qui n'allait pas parmi les plus pauvres de celle ci. Cela faisait de lui l'homme le plus respecté de Tao. Tout autre noble qui aurait osé s'aventurer dans cette partie de la cité n'aurait jamais survécu plus d'une demi heure mais lui avait quelque chose qui le protégeait : tous le respectaient. Personne n'aurait jamais osé le toucher ou même l'approcher sans se prosterner, non pas que cela eût provoqué un crime d'état, mais parce que personne ne pouvait le regarder dans les yeux sans le vénérer. Il tenait cette cité depuis près de 39 ans avec une main de fer mais il avait toujours prouvé la justesse de son jugement. Partout où il passait, on sentait sa prestance, son intelligence et cette force, origine du dévouement que lui vouait le peuple. Mais aujourd'hui, alors que l'aube passait (ce qu'il savait deviner par le bruit différent présent dans la cité à chaque moment de la journée), une voix avait transpercé son sommeil. Il avait vu une femme mourir, mais surtout, quelque chose de fugitif était passé dans son esprit. Il ne l'avait pas vu dans son rêve, mais il le savait. Il en avait la certitude comme si tout cela était arrivé près de lui. La femme avait mis au monde un enfant. Un enfant aux yeux bleus.
Il savait que ce nouveau-né était proche de lui. Il était né dans un endroit qu'il connaissait : il l'avait reconnu dans son rêve. Salimane avait passé une grande partie de sa jeunesse à parcourir la cité pour qu'un jour, quand il serait roi, il puisse ne pas se laisser tromper par ses ennemis. Mais c'était un rêve d'enfant. Il avait été nommé premier ministre et le serait jusqu'à sa mort si l'actuel roi de Tao ne le répudiait pas avant. Mais bien après avoir compris cela, il réussissait toujours à s'échapper pour aller découvrir une autre partie de la cité. Aujourd'hui encore, bien qu'il jugeât avec le recul sa conduite dangereuse, il se félicitait d'être le seul à connaître entièrement la cité.
Ses yeux se fixèrent sur un parchemin accroché au mur dans le recoin le moins sombre de sa chambre. "Il a les yeux bleus comme dans la prophétie" pensa-t-il. Il connaissait cette prophétie par cœur pour l'avoir énoncée lors de chaque début de saison à la fête de Juma, fête qui précédait toujours le début de la récolte. Le parchemin était encore clair et les lettres brillaient irréellement dans la pénombre de la pièce : chaque premier ministre recevait lors de son arrivée au pouvoir une prophétie écrite avec du sang de dragon, qui avait la propriété de briller faiblement dans la nuit. Ce sang était la chose la mieux gardée dans la pièce la plus en hauteur de la cité, au cinquante deuxième étage car il représentait la légitimité du roi au pouvoir. Celui-ci, pour y accéder, devait tuer un des millions de dragons qui persécutaient Tao et recueillir son sang pour ensuite le montrer à toute la cité au balcon principal de l'immense pièce centrale utilisée pour les annonces royales et les fêtes officielles. Salimane était assis dans le noir, les yeux fixés sur la prophétie :


L'Homme est depuis longtemps,
Exécuté et tué pour son sang.
Le dragon par le feu, a réduit l'Homme à l'espérance,
D'un jour où il retrouverait sa puissance,
Et mené par son Roi,
Détruira les dragons avec leur foi.
Ce roi aura les yeux bleus, et par ce don,
Il recevra le nom deFils du dragon'.

Combien de fois, déjà, avait-il vu des hommes mourir pour que les dragons puissent se nourrir de leur chair. Chaque jour pour lui, était une prière dans laquelle il espérait qu'aucun homme de plus ne tomberait. Mais chaque jour, la cité devait manger et vivre et des expéditions dans la partie verte des terres de Dane étaient indispensables. Les cultures internes ne suffisaient plus, la cité devenait chaque jour de plus en plus grande et devait aussi faire face à une natalité de plus en plus élevée. Mais un jour nouveau arriverait avec cet enfant. Il le savait. Il devait envoyer quelqu'un le trouver.
Il se leva et se vêtit de sa tunique argentée de premier ministre. Puis il se dirigea vers la porte qui n'était jamais gardée : il avait confiance en son peuple. Si un jour, il devait se faire assassiner, ce serait la preuve qu'il se serait détourné de son but premier, le bonheur de sa cité, et il préférait mourir par la main de son peuple que mourir par la honte d'avoir été désavoué par le conseil et le roi lui même, cet imbécile qui ne faisait que dormir et manger sans se soucier un seul instant de la santé de son peuple. Au début, il avait montré sa force en tuant le plus grand dragon jamais attrapé par les Hommes, mais il n'avait su montrer que cela : sa barbarie. Il aimait le sang. Tout le monde savait que le véritable souverain était Salimane et beaucoup lui avaient reproché de ne pas écarter ce roi de pacotille pour se couronner lui-même chef suprême de Tao. Mais, dans sa sagesse, il avait toujours répondu que, depuis sa majorité, son être avait été désigné pour devenir chef du conseil et qu'il honorerait toute sa vie ce choix divin en restant dans les limites de son pouvoir et en protégeant son roi, s'il ne remettait pas en cause le bonheur de son peuple.
Il s'arrêta brusquement à un pas de la porte en bois décoré d'une gravure magnifique de son visage, seul cadeau qu'il s'était offert à lui même en 39 années. Pourquoi passer par un intermédiaire ? Il trouvait maintenant son idée complètement absurde : s'il envoyait quelqu'un retrouver cet enfant, c'est mort qu'on le lui ramènerait quelques heures plus tard. Il faisait suffisamment confiance au roi pour savoir comment étaient organisés ses réseaux d'informateurs. Non. Il devait y aller lui même. Ce n'était pas un problème. Il fallait simplement que personne ne le voie. Pour cela, il avait depuis longtemps fabriqué une cape noire qui le rendait presque invisible de par sa couleur dans les parties inférieures de la cité qui étaient toujours plongées dans la nuit.
Il se changea, avança vers la porte, l'entrouvrit et écouta pendant un long moment. L'endroit était vide et aucun pas ne résonnait entre les murs de ce couloir qui ressemblait lorsque la lumière y était parfois amenée, à une petite porte ronde qui se prolongeait dans la nuit. Salimane avança. Il était obligé de se baisser pour éviter de se cogner au plafond, tellement humide que l'on avait l'impression continuelle qu'il pleuvait faiblement dans le sous sol. Il avançait doucement sans jamais se tromper de chemin. Il suivait un plan bien défini dans sa tête, qui lui permettait d'éviter les salles éclairées de marchés. Il faisait très froid mais une impression étrange lui traversa l'esprit : il avait chaud, non pas extérieurement où il sentait l'air lui glacer la peau mais au niveau de son cœur. Plus il se rapprochait de l'endroit sordide où l'enfant était né, plus son sang se réchauffait. C'était une sensation agréable mais qui l'effrayait quelque peu.
Il arriva enfin une demi-heure plus tard, des gouttes de sueur perlant sur son front. Cela ne lui était jamais arrivé dans cette partie de la cité. Que pouvait-il bien se passer ? Il tourna rapidement à une intersection et se figea. La peur l'avait envahi : il voyait non seulement le bout du couloir mais la salle tout entière. Son regard chercha une cause à cela et se fixa sur le mur en face de lui. Quelque chose brûlait, mais d'un feu irréel. Les flammes étaient vertes et ne produisaient aucune fumée. Une voix résonna dans sa tête. Il l'avait déjà entendue, il en était sûr. Elle n'était plus froide comme dans le rêve mais douce et chaude comme le miel : "C'était ma mère. Elle est morte parce que son coeur était trop mauvais pour être maintenu en vie... " il sut que c'était l'enfant qui lui parlait. Il ne pouvait l'expliquer une fois de plus, mais le doute ne pouvait l'effleurer. Il se jura alors qu'il élèverait l'enfant dans le secret pour le faire devenir, un jour, le plus grand roi que Tao n'eut jamais connu. "Merci... " résonna de nouveau dans sa tête et la lumière disparut au même instant. Il fallut plusieurs minutes à Salimane pour que la nuit se transforme en pénombre. Puis il avança lentement tout en essayant de discerner le petit corps qui gisait par terre. Il se pencha vers l'enfant et le prit dans ses bras. Son corps était très chaud. Il ne s'était pas attendu à cela. L'eau sur le sol était dure et gelée dans cette pièce mais l'enfant, lui, était mouillé et sale. Salimane l'essuya avec sa cape et le serra entre ses bras. Il reprit sa respiration tout en observant ce corps qui semblait si fragile entre ses mains. "Quelle puissance se dégage de lui ! " pensa-t-il, de moins en moins étonné mais empli d'un profond respect. Puis il baissa sa tête vers l'enfant qu'il serrait près de son coeur qui battait à tout rompre. Il l'embrassa sur la bouche et dans un murmure qui résonna dans le vide qui l'entourait, il ajouta "Bienvenue à toi... Fils du Dragon".

Mickael

Dernière correction le 20/04/04


Ii- le sang de dragon

Salimane regardait encore l'enfant quand un bruit résonna derrière eux.
"_Que faites vous... ". Un éclair vert surgit et la voix prit fin aussi vite qu'elle était venue.
Il serra l'enfant encore plus près de son cœur et se retourna. L'homme qui venait de parler, brûlait sur le sol humide, de cette flamme verte qui ne produisait pas de fumée. "On m'a suivi. " pensa immédiatement celui-ci. Il avait peur. Cet homme était-il seul ? Il ne faisait aucun doute qu'il appartenait au réseau d'information du seigneur Azergane, le roi de Tao. Mais la question essentielle se posait toujours : quelqu'un d'autre avait il assisté à cette ? Il attendit, mais aucune réponse ne vint. Le feu s'éteignit et la chaleur qui lui réchauffait le cœur disparut progressivement. Il baissa les yeux et vit alors que le nouveau né s'était endormi. Le froid le fit trembler. Mais l'enfant était toujours aussi brûlant. Il devait le ramener chez lui maintenant. On ne sait jamais. Quelqu'un d'autre pouvait encore arriver. Il devait protéger l'enfant en le cachant chez lui.
Il se mit en marche et prit soin de ne passer que par des chemins qu'il n'avait pas employés à l'aller. Le sol était encore plus boueux que d'habitude et ses sandales étaient complètement détrempées. Le retour lui prit plus de temps. Il s'arrêtait parfois pour écouter si quelqu'un le suivait. L'enfant était lourd et la fatigue semblait de plus en plus présente. Il arriva une heure plus tard à sa porte. Personne n'aurait pu expliquer comment Salimane savait qu'il était arrivé, mais lui en était sûr. Il vérifia encore une fois les bruits autour de lui et entra.
La seule lumière que contenait sa demeure venait de la prophétie. Ses yeux étaient habitués au noir absolu, ce qui lui permit de distinguer facilement l'endroit où il pouvait poser l'enfant : il s'assit sur son lit et reprit son souffle. Il transpirait. Comment un enfant aussi petit pouvait il être aussi lourd ? Aucune réponse ne vint une fois de plus et il regarda l'enfant, allongé sur son lit. Quelque chose lui sembla bizarre. Il ne savait plus quoi, mais quelque chose avait accroché son esprit. Il se leva pour aller fermer la porte quand soudain il se rappela : au moment de soulever le bras de l'enfant pour le poser sur le lit, il avait vu quelque chose luire faiblement. Il n'y avait pas fait attention sur le coup car son esprit était trop concentré sur sa sécurité. Il tourna le verrou de la porte, revint vers le lit et regarda le bras de l'enfant. Il avait vu juste : quelque chose brillait bien sur son bras. Rien de tout cela n'était écrit dans la prophétie. A combien d'autres surprises devrait-il encore faire face ? Il avait toujours considéré la magie comme une invention qui permettait aux Hommes de se faire peur à eux-mêmes. Mais là, il ne pouvait le nier : quelque chose qu'il ne pouvait comprendre venait de se produire. Un temps nouveau arrivait.
Il se rapprocha de l'enfant. Ce qu'il y avait d'écrit sur son bras ne représentait rien d'autre que cinq lignes longues de deux pouces qui couraient le long de son avant bras. On aurait pu les comparer à de simples brûlures si chacune de ces lignes ne brillait pas de la même façon que le sang de dragon qui donnait vie à la prophétie accrochée au mur. Il effleura une des lignes qui se mit au même instant à luire plus fortement. Il retira sa main avec surprise et l'intensité de la lueur argentée qui éclairait la ligne baissa progressivement. Il réfléchit quelques instants et rapprocha de nouveau sa main de l'avant bras de l'enfant. Mais cette fois ci, il ne posa pas seulement un seul doigt, mais les cinq sur chacune des lignes. Elles se mirent alors à briller avec une telle intensité que l'on voyait son ombre évoluer contre le mur de sa chambre. Les lignes commencèrent à se déplacer. Cela lui semblait à la fois fou et réel. Les lignes se transformèrent en 4 lettres qui formaient le mot "JEVA". Il voulut retirer sa main car la peur avait une fois de plus envahit son cœur mais il ne le put pas. Une force l'en empêchait. Le mot se mit à rayonner. Il lui sembla maintenant être entouré de cette lumière argentée qui l'aveuglait. Elle devint si intense qu'il fut obligé de fermer les yeux. Puis d'un seul coup, tout devint noir.
Salimane rouvrit les paupières mais là où il s'attendait à retrouver sa chambre il découvrit une immense plaine où chevauchaient quatre hommes. Il tourna sur lui même et vit alors arriver sur lui deux autres cavaliers. Il n'eut pas le temps de se protéger et s'attendit au choc mais rien de vint : les hommes l'avaient traversé. Il les suivit du regard, déboussolé. Un homme les dirigeait. Il le reconnut quand celui-ci le regarda : il avait les yeux bleus. "Jeva" résonna dans son esprit. Il semblait que celui-ci soit le seul à voir Salimane mais cette impression fugitive disparut très vite quand il vit arriver un dragon volant rapidement vers eux. Celui-ci possédait les mêmes yeux que Jeva. Il tourna la tête quelques secondes puis commença à fondre sur le groupe d'hommes. Des flammes apparurent.
Salimane rouvrit les yeux. Il se trouvait toujours en face de l'enfant dont il connaissait désormais le nom. Sa main pendait maintenant le long de son corps. Il ne touchait plus Jeva. Les lignes brillaient toujours avec une forte intensité bien qu'il ne soit plus en contact avec lui. Sa curiosité prit le dessus pour la première fois de sa vie. Il ne comprenait pas ce qu'il s'était passé et il n'avait pas vu ce qui était arrivé aux hommes. Ce dont il était sûr, c'est qu'il avait lu dans l'avenir. Il se rapprocha une fois de plus de l'enfant, approcha sa main lentement au niveau du poignet de celui-ci, et remit ses mains sur les lignes d'une manière qui donnait l'impression d'avoir peur de se brûler tout en le désirant.
Il restait là, immobile et perplexe devant cette réaction inattendue. Il voulut réessayer une fois de plus. "Attention" résonna si fort dans sa tête qu'il retira sa main en réaction à la douleur. Il ne comprenait plus. Quelques secondes se passèrent dans l'immobilité totale. On aurait dit que le temps restait là, figé.
Soudain, une minute seulement après l'avertissement de Jeva, trois coups résonnèrent derrière la porte. Salimane contrairement à son habitude ne répondit pas. Il avait peur. Il devait cacher l'enfant le plus vite possible. Il se précipita sans bruit vers le lit, prit l'enfant dans ses bras et le posa dans le coin du mur qui cachait la prophétie. De nouveau, trois coups résonnèrent un peu plus fort et quelqu'un essaya d'ouvrir la porte. "Maître Salimane, êtes-vous là ? " Les lignes brillaient trop vivement. Il cacha le bras de Jeva dans le drap dont il avait entouré l'enfant. Cette fois-ci, la voix fut encore plus forte. "Maître Salimane, ouvrez cette porte, au nom du roi. " Salimane avait très peur. Mais au lieu d'aller ouvrir, il se tut. Il fixait la porte. Quelques instants plus tard, il entendit des pas s'éloigner de sa demeure. Mais il n'était pas sauvé. Cet homme savait qu'il était là et l'avait peut être suivi. De plus, il lui était obligatoire, de par ses fonctions, de répondre aux appels du roi. Cet homme reviendrait dans peu de temps mais cette fois-ci, il ne serait pas seul et Salimane aurait pour obligation de lui ouvrir de peur de voir la porte qu'il avait fait sculpter être détruite.
Il se retourna vers l'enfant. Celui-ci touchait avec sa tête le papier jauni de la prophétie. La surprise de Salimane arriva à son comble quand il remarqua que le sang de dragon qui constituait la prophétie s'était mis à briller plus fort que d'habitude. Qu'était ce encore que ce prodige ? Personne ici ne pouvait le lui expliquer. Il devait se débrouiller seul avec cet enfant. Où trouver de l'aide autre part que dans Tao ? Il avait entendu parler d'une cité bien loin du pays de Dane, où d'après la légende, vivaient des magiciens. Elle était appelée la cité des ombres car personne n'avait vu autre chose que son reflet briller dans la brume qui l'entourait. Le roi avait bien envoyé plusieurs expéditions là-bas, mais aucun humain n'en était revenu vivant. On retrouvait chaque fois leurs chevaux brûlés par les dragons mais les hommes qui les montaient, jamais. Certains s'en étaient approchés et disaient même, à qui voulait l'entendre, que des choses bougeaient dans cette brume.
Il trouva immédiatement le projet qui lui avait effleuré l'esprit complètement irréalisable. Comment lui, avec l'âge qui l'atteignait, pouvait réussir là où des hommes jeunes et entraînés à la chasse aux dragons avaient échoué.
Il se déplaça vers sa bibliothèque. Encore une fois, il remarqua qu'il possédait la seule bibliothèque de Tao qui n'avait pas été pillée puis il y prit un livre. Il possédait encore l'unique exemplaire où était dessinée une carte de Dane avec ses frontières. Il y cherchait quelque chose d'autre. Il voulait une carte de la route à suivre pour se rendre à Volum, le pays de la brume. Mais rien ne mentionnait cet endroit. Il chercha autre part et finit par laisser tomber. Il avait déjà vu une carte de Volum, mais où ? Il avait dans sa jeunesse observé tellement de cartes que son esprit s'embrouillait maintenant. Quelques années auparavant, il aurait été capable, en utilisant seulement une plume et sa mémoire, de tracer cette carte. Mais aujourd'hui il était trop vieux. Ses souvenirs s'estompaient de plus en plus dans sa mémoire. Quelque chose bougea derrière lui : il voyait son ombre onduler sur la bibliothèque. Il se retourna rapidement. Une lumière argentée l'obligea une fois de plus à fermer les yeux. Mais cette fois-ci, il les rouvrit quelques secondes plus tard. La prophétie brillait fortement et les lettres se déplaçaient lentement sur le papier. Tout cela lui sembla si irréel. Il se demandait s'il n'allait pas se réveiller quelques instants plus tard d'un rêve qu'il souhaiterait ne jamais refaire, mais au fond de lui, il savait qu'il ne rêvait pas. Il s'approcha. Les lettres s'étaient concentrées en un seul point qui semblait minuscule à côté de la lumière qu'il dégageait. Salimane toucha la feuille lentement. Le point s'agrandit et des lignes sortirent de celui-ci. Mais tout cela brillait trop pour Salimane. Il serra faiblement ses paupières de manière à voir ce qu'il se passait tout en atténuant la lumière qui pénétrait dans ses yeux.
Soudain, les reflets argentés disparurent et tout se remit à luire normalement. Une seule chose avait changé : la prophétie avait disparu. Un dessin était présent sur le papier. Il s'avança encore pour mieux distinguer le motif. Il comprit alors tout de suite ce qui venait de se produire. Une carte était accrochée devant ses yeux.
Mais avant qu'il ne put l'étudier plus attentivement, un détail le fit sursauter violemment : le chemin partait de Tao pour aller à la cité des ombres sauf qu'il ne passait pas par Volum mais par le pays de la Dehandra. La demeure des dragons.

Mickael

Dernière correction le 21/05/04


Iii-la fuite

Salimane essayait de reprendre le contrôle de son esprit. Il était dérouté par cette carte qui lui suggérait une idée qu'il avait depuis le début discernée mais aussitôt repoussée. Il ne voulait pas quitter Tao. Sa vie entière lui avait été dévouée. Elle représentait tant de souvenirs, tant de souffrances, tant d'efforts... Il ne s'était pas passé un seul jour sans que son esprit craigne pour elle. Mais il avait promis. Il ne pouvait revenir en arrière. Son but avait changé. Il devait s'occuper de Jeva et le conduire à la cité des ombres. Même s'il devait mourir en chemin, il aurait essayé. Il aurait rempli sa promesse. Il trouverait peut-être là bas quelqu'un qui pourrait comprendre Jeva. Son esprit lui disait de faire vite. Quelqu'un pouvait à tout moment revenir.
Il rassembla rapidement ses affaires, roula la carte, et regarda sa bibliothèque. Il lui avait fallu tant d'années pour réunir ce qu'elle contenait. Maintenant il devait la quitter. L'émotion arriva au bord de ses yeux et deux gouttes brillantes s'écrasèrent sur le sol. Mais son bouleversement l'empêcha de remarquer la luminosité qui se dégageait de celles-ci. Jeva le transformait. Il ne s'en rendait pour l'instant pas compte mais cet enfant lui volait sa liberté et son humanité.
"Vite" résonna dans son esprit d'où disparut brusquement la tristesse. Il se sentait maintenant fort et réchauffé. Il n'avait plus qu'une seule idée en tête : partir. Tout se passait comme si Jeva était la seule chose qu'il n'avait pas oubliée. Son esprit était vide de tout le reste. Et c'est ainsi qu'il partit de cette demeure où il avait passé plus de trente années, indifférent. Il ne regarda même pas en arrière avant de fermer la porte. Son intelligence et son esprit étaient devenus aveugles.
Jeva dans les bras, il amorça son voyage vers l'enfer. Mais cela, il ne le savait pas. Jeva semblait avoir sur lui une emprise dont il ne se doutait même pas. Les couloirs étaient sombres et on ne pouvait y distinguer aucun détail à part la sensation que chaque pas s'enfonçait dans une boue molle et froide, ce qui arrangeait Salimane qui avait retrouvé une partie de son esprit. Ainsi personne ne pourrait les voir disparaître de Tao par des passages que lui seul connaissait. Il marchait vite à présent et aucune souffrance ne semblait parvenir à son esprit. Il était invincible. Jeva le réchauffait et l'empêchait d'écouter sa tristesse.
Plusieurs minutes étaient passées quand un bruit résonna derrière lui. Un bruit si mince que l'on aurait pu le prendre pour le bruit des gouttes de condensation qui tombaient du haut des couloirs. Mais Salimane ne se trompait jamais. Il avait entraîné son esprit à vivre aveugle et à utiliser les bruits pour ne pas se perdre dans Tao. Pour lui, chaque lieu avait une sonorité particulière. Mais il avait froid. Jeva dormait dans ses bras. Il le savait. Il n'avait pas le courage de s'arrêter pour écouter. Il devait bouger pour se réchauffer. En plus de cela, son regret le reprenait et son intelligence était donc troublée. Il prit la décision de marcher plus vite. Si suiveur il y avait, il l'entendrait une autre fois et là, il aviserait.
Il bifurqua plusieurs fois et se concentra sur le son de la cité. Le bruit ne s'était pas reproduit. Il n'était donc pas suivi. Dans son esprit se dessinait son chemin. Sortir de Tao sans être vu était la chose la plus compliquée que l'on pouvait désirer. Il avait fait poster des gardes à toutes les sorties secrètes qu'il avait découvertes dans son enfance. Toutes, sauf une et une seule qu'il avait toujours gardée pour lui dans sa lucidité. Elle était la plus secrète de toutes, cachée dans le plus petit recoin de la cité, là où personne ne pouvait même imaginer que quelque chose pût exister. Mais elle était éloignée et il lui fallait monter dans la cité pour y accéder. Ce qui signifiait que la lumière deviendrait de plus en plus présente et la rapidité de sa marche en serait ralentie. En effet, il devrait prendre garde à ne rencontrer personne et à passer par des chemins de détours, qui lui permettraient de rester dans l'ombre.
Son coeur battait vite lorsqu'il arriva près du passage. Une fois de plus, il avait mené cette marche d'une main de maître. Il n'avait rencontré personne. La chaleur qui parcourait son corps lui indiquait que Jeva était réveillé. Comme chaque fois, il aurait pu résumer les heures qu'il avait passées à marcher, à une nuit où il aurait rêvé d'un chemin qu'il se voyait parcourir sur une carte. Il n'avait pas vu le jour une seule fois. Et c'est avec brutalité qu'il reçut les rayons du soleil dans les yeux quand il sentit l'air frais lui frôler le visage. De par la position du soleil sur ce côté de Tao, il devinait que celui-ci se coucherait dans peu de temps. Il lui revint alors un souvenir que même Jeva ne semblait pas pouvoir empêcher de percer dans son esprit : chaque soir, avant de retourner dans la nuit de sa demeure, il s'approchait de la seule fenêtre qui apparaissait dans son cabinet du cinquantième étage. Elle était orientée dans la même direction que le passage. Il y regardait le soleil se coucher et en profitait pour laisser son visage baigner dans sa lumière orangée et pourtant si puissante.
Il rouvrit les yeux. Il avait vu juste. Le soleil terminait son cycle qui aujourd'hui pour Salimane avait été si long et si dangereux. Que faire maintenant ? Il ne le savait pas. Il avait avec lui une carte et un enfant qu'il devait emmener vers l'impossible, mais aucune arme pour le protéger et rien pour le nourrir. Avancer était sa seule solution. Tao était entourée de forets qui repoussaient chaque fois après l'attaque des dragons. Elle avait toujours résisté. Salimane avait formé une bonne équipe de Maîtres pour contrôler les travaux de réparations. Sa cité était devenue jour après jour plus forte et plus dure. Elle pouvait aujourd'hui résister à n'importe quelle attaque, ce que les dragons avaient compris en ne s'attaquant désormais qu'aux cultures extérieures qui, elles, ne pouvaient être protégées. A l'origine, Salimane avait pensé cacher l'enfant chez lui, le faire grandir dans le secret et le faire engager dans une des équipes extèrieures, où il aurait été connu comme aveugle. Il serait ainsi devenu un homme fort et aurait pu finir par ouvrir les yeux devant le roi. Mais le destin en avait décidé autrement. On l'avait suivi et les pouvoirs de Jeva étaient trop puissants pour pouvoir être éduqués par un humain. Si des magiciens existaient, il les trouverait. Sinon, il l'élèverait du mieux qu'il le pourrait. Mais il savait qu'un jour, il le ferait revenir pour sauver Tao de la tyrannie des dragons. Pour le moment, il devait voyager vers la culture extérieure la plus proche. Là-bas, personne ne connaissait son visage. Bien sûr, il y était déjà allé pour inspecter mais c'était il y a si longtemps. Comment quelqu'un pourrait-il se souvenir de lui ?
Avant de se mettre en marche, il observa la zone. Il y avait une longueur dénudée de cent pas, entre la cité et la forêt, qui l'obligeait à attendre la nuit avant de pouvoir avancer. Mais ce n'était pas un réel problème car la lumière du soleil atteignait maintenant le violet. La nourriture non plus n'en était pas un. La forêt était très fertile de par les cendres des batailles de l'ancien temps. La forêt avait brûlé plus de mille fois et c'est cette fertilité qui avait permis à Salimane de nourrir sa cité depuis trente ans. Cette idée était sa fierté autant que son désespoir car elle avait fait vivre autant de personnes qu'elle en avait tué. Mais il préférait voir son peuple mourir par le fait des dragons après une vie bien remplie que par la faim qui, elle, faisait souffrir.
La nuit s'était maintenant presque installée mais la lune n'allait cependant pas apparaître de ce côté de Tao avant plusieurs heures. Il décida de se mettre en marche. Jeva était éveillé et la chaleur de son pouvoir réconfortait Salimane. Il avança lentement.
Soudain, quelque chose bougea à sa gauche. Quelque chose qu'il n'avait pu voir de par la position du passage. Il lui sembla discerner une ombre en mouvement. Il n'eut même pas le temps de réagir que l'homme sautait déjà sur lui. Pourquoi ? Cette question passa rapidement dans son esprit juste avant que son instinct ne lui commande de fermer les yeux. Mais au lieu de cela, un éclair bleu sortit de nulle part. Sa luminosité avait été si puissante que ce qui l'entourait était devenu bleu et l'avait obligé à fermer ses paupières.
Il resta là, immobile pendant quelques secondes. Que s'était il passé ? Un homme brûlait-il encore ? Il avait peur. Il rouvrit lentement les yeux. Le soleil semblait être revenu en arrière mais son disque était invisible. La lumière qui l'entourait était bleu pâle. Salimane n'en croyait pas ses yeux. Si tout n'avait pas eu cette couleur, il aurait juré être en plein milieu d'après midi. Ses yeux commencèrent à s'habituer mais il ne distinguait encore rien de la scène. La seule chose qu'il sentît était le corps de Jeva devenir de plus en plus chaud. Il n'avait jamais été comme cela. Que se passait-il ? Salimane se doutait que Jeva utilisait une partie très puissante de son pouvoir mais il dut attendre plusieurs minutes avant de pouvoir discerner la moindre chose dans le bleu qui l'entourait.
Quand il put enfin regarder autour de lui, la lumière avait baissé mais n'avait pas disparu. A quelques pas de lui, se tenait un homme qui semblait jeune. Mais sa position le surprit. Le corps de l'homme était immobile dans l'air comme en lévitation. Comment Jeva avait-il été capable de cette prouesse ? Une telle puissance était irréelle : c'était un enfant. Salimane avait remarqué que Jeva avait déjà grandi mais il était toujours aussi petit pour lui. Il ne comprenait pas. Enfin si, il avait compris au moins une chose : Jeva semblait avoir arrêté le temps.
Il bougea ses jambes et se déplaça de quelques pas. Lui n'avait pas été la cible de ce pouvoir. Salimane revint vers Jeva qu'il avait précédemment déposé par terre. Il était un peu moins chaud. Salimane s'assit auprès de lui pour reprendre une fois de plus ses esprits. Il ne lui avait jamais semblé être aussi vieux que ce jour. Chaque action lui demandait un moment de réflexion. Rien ne cadrait dans l'habitude. Tout était nouveau. Comment sortir de cette situation ? Et pourquoi Jeva avait il agi ainsi sans le prévenir ? "Il lui aurait suffit de l'immobiliser lui, et non Tao toute entière. " pensa-t-il en regardant autour de lui. Les feuilles ne se déplaçaient plus dans le vent, et plus aucun bruit ne lui parvenait. Tao d'habitude si bruyante s'était tue en un souffle. Plus rien ne vivait. Tout était devenu de glace.
Salimane se releva et alla jusqu'au bord de la forêt. Il toucha du doigt une des feuilles accrochées par milliers aux arbres. Elle se cassa à son contact et tomba en poussière à ses pieds. Mais quelques secondes plus tard, la feuille se reforma sur le sol et vola se coller à son point d'origine. Il n'en croyait pas ses yeux et recommença avec plusieurs feuilles. Elles se brisèrent, tombèrent, se reformèrent et revinrent prendre leur place habituelle.
Il retourna à côté de Jeva qui, à sa grande surprise avait repris sa température normale. Une question lui brûlait maintenant les lèvres : Jeva était-il réellement le responsable de l'immobilité persistante du temps ? Il semblait aussi endormi que pendant la fin de leur fuite et rien n'indiquait ce qui était en train de se passer.
"Je vous attendais, maître Salimane. " résonna gravement derrière lui avant qu'il ne se retourne en sursaut.

Mickael

Dernière correction le 21/05/04
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Re: L'empire des larmes
Posté par pepe308 le 08/05/2005 16:55:07
ça depend, si tu as le temps d'écrire, ça peut aller vite, au rythme de deux chapitres pas jours. Moi je suis post bac, medecine, je n'ai le temps d'écrire qu'un chapitre par semaine.
Est ce que c bien au moins ce que j'écris??
Mickael
PS: la suite du livre sur www.bdebdx.fr.st
Re: L'empire des larmes
Posté par jsaipakoimettremoi le 08/05/2005 16:15:44
Suis-je la seule à mettre moins de 3mois pour écrire des romans? Beaucoup de gens y passent énormément de temps... Enfin bref en s'en fiche!
Sinon, j'aim bien...
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Publié le 08 mai 2005
Modifié le 07 mai 2005
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