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L'Ultra trail du Mont Blanc : Une course épique

UTMB : Ultra Trail du Mont Blanc. Pas très parlant, n'est-ce pas ? Du moins pour les profanes. Car l'UTMB est devenu dans le milieu des coureurs LA plus grande course d'Europe. Récit des 45 heures les plus mémorables qu'il m'ait été donné de vivre.


UTMB : Ultra Trail du Mont Blanc. Pas très parlant, n'est-ce pas ? Du moins pour les profanes. Car l'UTMB est devenu dans le milieu des coureurs LA plus grande course d'Europe.
Mais d'abord, qu'est-ce qu'un trail ? Une course en nature, en équipe ou en solo. Et un Ultra Trail ? Une course en nature, mais sur une distance beaucoup plus impressionnante.
L'UTMB, lui, est considéré comme le plus grand ultra d'Europe : au programme, la traversée de trois pays (France – Italie – Suisse) en pas moins de 158 kilomètres, sur 8500 m de dénivelé positif, le tout en moins de 45 heures, s'il vous plait.
Cette année, la course a rassemblé 2500 coureurs – mais beaucoup d'autres se bousculaient au portillon.

Si cela peut paraître bien simpliste – pas de quoi faire un article, en somme – c'est que l'ampleur de la chose vous échappe. Il n'est bien entendu pas question de faire de longues pauses, sans quoi les barrières horaires vous rattrapent ; la nourriture est ingurgitée en passant, les nuits se font longues tandis que les participants foulent continuellement les chemins de montagne de leurs chaussures de sport.
Aussi parait-il normal de ne voir à l'arrivée que 45.5 % seulement des 2500 inscrits présents au départ.

Mais commençons par le début.

Chamonix, H-20. La foule est rassemblée sur la place, sur le parvis de l'église. Tandis que l'organisateur et les maires des différentes villes participantes discourent sur l'arche du départ et de l'arrivée, les 2500 coureurs s'échauffent et échangent quelques sourires crispés avec leur famille ou leurs amis. Les haut parleurs hurlent à fond la grandiose musique de Vangélis, répandant des frissons de bonheur et d'émotion dans l'assistance. Pour les coureurs, cette musique devient significative.
Je laisse mon père sur la ligne de départ, et gagne les hauteurs pour obtenir une vue plongeante de la scène. Cette année, à moi de faire le caméraman. J'ai déjà assisté aux longues préparations de mon géniteur, qui avait abandonné l'année dernière à Courmayeur pour cause de tendinite. Mais cette fois, il semble décidé à terminer.

L'heure du départ est arrivée. Des drapeaux de toutes nationalités s'élèvent sur le bout des bâtons de randonnée qu'ont sortit quelques coureurs. Mais la foule est trop dense, ils ne les utiliseront pas tout de suite. Du haut d'un muret, je filme la masse multicolore des participants qui commencent à trottiner en direction de l'arche ; la musique retentit toujours, et je ne peux m'empêcher de penser à la course de la Communauté de l'Anneau. L'enjeu est certes moins important, mais l'émotion est la même. On se demande dans quel état nous retrouverons les vaillants coureurs partis pour 158 km d'aventure.

La foule évacuée, nous partons immédiatement pour la Villette, puis Bionassay, où nous ne voyons mon père qu'en coup de vent. Ce n'est déjà pas mal.
Notre propre périple nous conduit jusqu'aux Contamines, un ravitaillement où les coureurs prennent cette fois-ci le temps de s'arrêter quelques instants. Ils ont déjà quelques kilomètres dans les pattes, mais les sourires restent vaillants, et nos encouragements provoquent des remerciements chaleureux. Qu'ils en profitent, ils n'en ont pas pour longtemps...
C'est pour nous la fin de la journée.

Il nous faut retourner dans notre chalet où des sms réguliers nous informent de la progression de notre favori ; mais le repos que nous prenons est de courte durée. A cinq heures du matin, départ vers Courmayeur, en Italie. Mon père, plus rapide que prévu, nous y attend déjà et mange devant nous une platée de pâtes et une tablette entière de chocolat (Milka, mais il ne faut pas faire pub. Faites comme si je n'avais rien dit...) Pas encore de problèmes majeurs. Quelques abandons durant la nuit, mais rien de bien méchant.

C'est alors que commence la catastrophe. Imaginez vous, coincé entre vos deux frères et votre sœur, qui, étant relativement jeunes, ne trouvent rien de mieux à faire que se disputer. Malgré tout, nous faisons route vers La Palud. Encouragements, applaudissements, et film. Le soleil tape sur les épaules des coureurs, qui semblent en moins bon état. Quelques uns ne répondent plus à nos félicitations, et se ruent vers le ravitaillement. Notre favori, quant à lui, se sent un peu nauséeux. Inquiétude passagère, mais il sembler décidé à continuer.

Un repas rapide dans un restaurant, et nous repartons pour la Suisse. A Champex, plus précisément. Malheureusement pour les participants déjà beaucoup moins nombreux, la brume s'est levée et il commence à pleuvoir. Cela suffit à refroidir l'enthousiasme de beaucoup d'entre eux. Les visages sont tirés, et les sourires se font plus discrets.

Mais c'est à Trient que tout commence à devenir surnaturel. La nuit est tombée ; les abandons se comptent par centaine, et les rares arrivants – dont la plupart profitent du car de rapatriement – nous déclarent qu'une tempête de neige les a surprit sur le col entre Champex et Trient. Leur état lamentable s'explique, d'autant plus que la plupart avaient profité du beau temps pour se mettre en short.
Tous paraissent dans un état second ; la salle de soins est pleine, et les podologues, médecins et kinésithérapeutes ne cessent de courir dans tous les sens.
Notre inquiétude s'accroît quand après une demi-heure de retard sur son planning, mon père s'obstine à ne pas répondre à nos appels. Sans le montrer au reste de ma famille, je commence à sentir une boule se former dans mon estomac.

Un coureur ami de mon père apparaît alors : il nous signale qu'il vient de le doubler, et que celui-ci ayant des ennuis de portable, il l'a chargé de nous transmettre le message suivant : il est en train d'arriver, mais la tempête l'a trempé et il demande de chauffer la voiture. Silence consterné : aurait-il décidé d'abandonner ?

Mais le voilà qui arrive et nous apprend qu'il souffre d'une tendinite. Encore ?
Retour dans la salle de soins. Un bandage, un anti-inflammatoire, et il se déclare prêt à repartir. Tout ce qu'il désirait était se changer au chaud ; ouf, il est toujours d'attaque. Quoique... Lorsqu'il tente de remettre sa chaussure, la scène n'est pas sans rappeler le début de danse avec les loups. Jambe ensanglantée en moins.
Cependant, il reste d'attaque, et nous demande de l'attendre à Chamonix : il arrivera vers 6h du matin.
Mes frères et sœur se sont calmés : ils dorment. Tant mieux.
Emmitouflés dans de grands ponchos, nous nous garons à deux cent mètres de l'arrivée.

Cinq heures du matin : un bruit nous réveille. Quelqu'un frappe à la fenêtre. C'est lui ! Il a réussi ! Dans deux cent mètres, il aura acquit son statut de finisher !
Nous sortons au plus vite, et, nous tenant tous par la main, mon père accompli son rêve : il franchit la ligne d'arrivée entouré de toute sa petite famille. Evidemment, le public s'est amoindri et la musique ne retentit plus, mais l'émotion reste la même. Une petite larme se perd au coin de l'œil de notre finisher familial lorsqu'il reçoit la veste North Face réservée aux arrivants de la course. Bonne surprise : il est 271eme !

Par la suite, nous apprenons que plus de 50% des coureurs ont abandonné.
Lors de la fin officielle de cette édition de l'UTMB, nous apercevons les derniers finisher, au bord de l'épuisement. Beaucoup ne peuvent retenir une larme devant l'état de ces coureurs. Mais pire encore, ceux qui, malgré leur arrivée, devront renoncer à la superbe veste North Face, du fait du dépassement des barrières horaires. Plutôt rageant.

Mais en définitive, ce trail reste plus qu'une simple course. Et pas seulement à cause des efforts déployés par les coureurs, ni à cause de la communauté qui se constitue derrière ce rassemblement, mais aussi parce que le nombre de bénévoles assurant l'organisation de la course est énorme, parce que de nombreux pays se réunissent autour du sport sans aucun esprit de compétition.
Peut-être que certains d'entre vous se seront ennuyés en lisant ce récit ; je leur conseille d'essayer de réaliser cette prouesse. Pour les autres, je ne dirais que ceci : http://www.ultratrailmb.com/

Parce que les coureurs vous exprimeront bien mieux que moi ce qu'ils ont pu ressentir...
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L'auteur : Valhya Cedurna
33 ans, Paris (France).
Publié le 03 novembre 2006
Modifié le 30 septembre 2006
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