| Le roi casséLa dérision de Dumontheuil nous rappelle une nouvelle fois nos petits travers les plus ridicules mais aussi les plus dangereux..."Il ne supportait plus la guerre, ses tranchées, ses gaz pourris... Il a déserté et se planque dans une masure abandonnée. L'armistice va être signé dans quelques heures, ce serait trop bête qu'il soit le dernier mort de cette sale guerre. Pourtant, quand il aperçoit deux soldats qui se dirigent vers lui, il tire et en tue un. Puis, il se précipite sur le second... Et saute sur une mine. Il revient à lui dans le brouillard, et tombe sur son voisin, Monsieur Lespinasse, attablé et buvant un verre. Erreur, bien sûr : c'est la Mort qui a pris les traits de son voisin, et lui annonce tout à trac qu'il est passé de vie à trépas. Pourtant, la Mort est écœurée elle aussi par toute cette boucherie. D'où sa surprenante initiative : remonter le temps et revenir neuf mois en arrière, afin de modifier le cours de l'Histoire... " (Présentation Casterman)
Les BD de Dumontheuil semblent bien souvent partir du constat que nous vivons dans un monde tordu. La vie est une gigantesque farce, d'où l'impression de nager en plein absurde quand on lit Le Roi cassé. Pourtant par cette farce grinçante, l'auteur révèle encore une fois les travers humains, notre stupidité, notre vanité... Et quelle plus grande absurdité que la guerre ? C'est ainsi que Le Roi cassé s'ouvre sur fond de première guerre mondiale... Guerre insensée puisque l'état major ne sait même plus qui l'a commencée... Boucherie qui écoeure même la Mort en pleine "overdose". Dans ce chaos, les hommes essayent de sauver leur peau, comme Virjusse, mais il faut bien un dernier mort et ce sera lui. Une fois passé dans l'au-delà, il rencontre la Mort qui décide de remonter le temps et de révéler le nom du dernier tué de cette guerre. Puisque les adversaires ne savent plus pourquoi ils se battent mais qu'ils ne veulent pas être le premier à baisser les armes, ils décident de faire une pause et d'attendre la date fatidique de la mort de Virjusse qui marquera l'armistice. Par ce sacrifice (même s'il est simulé) Virjusse devient le héros national. Mais l'attente jusqu'au 11 novembre est longue, et il devient vite oppressant d'être le héros sacrifié pour le bien du reste de l'humanité, surtout quand on n'a rien demandé...
Pendant 94 planches (on est bien loin des 48 souvent en vigueur), Dumontheuil nous promène dans cette histoire improbable. Il construit un univers fonctionnant selon ses propres lois, sa logique interne, folle, absurde mais inattaquable. Le récit n'évite malheureusement pas certaines longueurs avec une densité de texte plus importante que d'habitude, mais le choix du nombre planches poursuit sans doute pour objectif de nous installer dans l'absurde et le désarroi du personnage. Et l'auteur a l'art de nous surprendre et de nous rendre perplexe avec une fin où une certaine "mort" sociale se révèle moins enviable que la mort physique.
Le dessin de Dumontheuil est évidemment anti-conventionnel et plein d'humour. En forçant le trait sur les visages, il cherche un dessin à la limite de la caricature. On apprécie toujours autant les expressions de visages qui sont si bien rendues sous son crayon. Les fans de la première heure regrettent la couleur directe que pratiquait l'auteur notamment dans le célèbre Qui a tué l'idiot ? , mais la griffe Dumontheuil demeure intacte...
Titre : Le Roi cassé
Auteur : scénario et dessin de Dumontheuil
Editeur : Casterman
Collection : Un Monde
Du même auteur
Chez Dargaud :
- L'enclave
Chez Casterman :
- Le Singe et la Dame Blanche
- Qui a tué l'idiot ?
- Le singe et la sirène
- Malentendus
- La Femme floue | | |
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