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Papillon

Un lycéen, une jeune fille, un papillon et un passé entre eux...


Elle disait qu'elle était un papillon, que, parfois, elle s'envolait très loin, très haut, tout près du soleil. Elle disait souvent des choses comme ça, n'importe quand, n'importe où. C'était ce qui faisait que c'était elle, pas une autre. Elle avait une telle imagination que n'importe qui aurait pu la prendre pour cinglée. C'était loin d'être son cas. Elle était terre à terre, peut-être trop.

La première fois, je l'avais croisée dans un couloir du bahut. Elle m'avait poignardé d'un regard. Un seul. Ses yeux avaient direct croisé les miens et j'y avais lu de la singularité et de l'originalité. Elle donnait l'air d'une fille normale à première vue, vite fait. En s'y attardant on notait que quelque chose faisait la différence. La faisait être différente. Mais on ne pouvait dire quoi.
Je la croisai un soir d'octobre dans un bar bruyant fréquenté par beaucoup de lycéens. Elle parlait beaucoup, avec entrain, faisait rire les gens autour d'elle, ses amis. Ce fut au cours de cette soirée que j'avais appris son prénom.
Soline.
Une fois encore, elle m'avait longuement fixé avant de poursuivre sa discussion avec une de ses amies. Puis elle ne m'avait adressé un mot de la fin de soirée.

La semaine qui suivit, je la vis plusieurs fois, dans la cour, à la sortie. Parfois même en ville. Toujours le même cirque : un regard, long, sombre puis plus rien.
Le jour où, à la sortie de six heures, elle s'approcha de moi, il faisait froid et mauvais. Quand elle me proposa d'aller boire un café, ce fut d'une voix à peine audible et intimidée. J'avais jamais été aussi heureux d'être invité quelque part.
"C'est gênant parce qu'on se connaît pas." avait-elle dit, une fois installée sur la banquette du bar.
J'avais répondu que, justement, on avait une heure devant nous, pour faire connaissance. L'heure qui passa fut dédiée à toute une série de questions. Elles traitaient de nos études futures, de notre famille, de nos amis. De tout. Une heure qui me parut durer une minute tant elle se termina rapidement.
De retour devant le lycée, elle resta là, silencieuse, les bras ballants. Elle ne savait que dire ni que faire. Je réfléchis avant de lui demander si je pouvais l'embrasser.
"Si tu veux. Mais tu risques d'être déçu par le résultat." Telle fut sa réponse.
Je l'embrassai donc. Et ne fut pas déçu. Parce que même si son baiser manquait d'expérience, il était doux et vrai.


A partir de ce soir, j'ai cru au bonheur et à l'amour parfait. Ça peut paraître niais et bateau mais c'est pourtant la vérité. Soline était tout ce que les autres n'étaient pas. Elle était vive, assez introvertie, je l'admets, mais attachante et naturelle. J'aimais la voir rougir sous mes regards, répondre à mes sourires, parler parfois trop vite sous le coup de l'émotion.
Un après-midi, alors qu'elle était passée me rendre visite avant d'aller faire les magasins avec ses amies, elle se fit plus tendre, plus douce, plus désireuse d'autre chose. Et je le lui offris. La sentir mienne et tout à moi. Sa peau sous mes doigts, nue, pour la première fois. Je n'attendais rien de mieux. Tout fut parfait, son regard trouble, son sourire hésitant, après. La paume qu'elle posa sur mes lèvres alors que je reprenais mon souffle.
"Un papillon qui vole très haut, très vite, qui ne veut plus retomber et qui s'accroche à son nuage." murmura t-elle.
Ça me fit rire d'attendrissement car, au fond, elle n'était qu'une petite fille qui avait grandit cet après-midi là. Elle ne me demanda pas ce que les autres me demandaient après. Si je l'aimais. J'ouvris la bouche pour le lui dire. Mais les mots ne s'envolèrent pas comme je l'aurai souhaité. Ils restèrent bloqués, enroués et indicibles. Ce fut à son tour de rire.
Peut-être avait-elle compris.

Les mois suivants furent synonymes d'harmonie totale. Je m'accrochais à elle de tout mon cœur tant je tenais à elle. Soline. Soline. Soline. Je ne me lassais pas de répéter son prénom aussi particulier qu'elle.
C'était donc ça, l'amour ? Penser à cette personne à longueur de journée ? Ne cesser de se remémorer ces brûlantes étreintes ? Soline occupait tout entièrement mes pensées. Rien qu'à la voir, je rayonnais.
Soline ne s'aimait pas. Elle n'aimait pas son visage, n'aimait pas son corps, n'aimait pas ses yeux. Je lui donnais toute mon affection et mon assurance pour que ses idées noires et erronées la quittent. Je la serrais fort contre moi pour lui transmettre ma chaleur réconfortante. Je l'appelais Papillon. Car elle était tout le temps vêtue de tissus colorés et émanant le bonheur. Elle ne me parlait jamais de sa famille.
Je lui présentai la mienne. Ma petite sœur l'adora, la pria de la maquiller. Je les trouvai toutes deux, assises sur le sol du salon, riant aux éclats alors que Soline tenait en sa main un pinceau destiné à teinter les paupières de ma cadette.
Le bonheur. La vie. L'amour.


On était tous deux allongés sur mon lit, doigts entrelacés. Ma chambre était plongée dans l'obscurité.
"Parfois, quand l'Ogre me gagnait, m'écrasait, moite et haletant, je m'envolais. Un papillon quittait mon corps, fuyait cette horrible impression de saleté et d'humiliation. Le ciel le réchauffait alors par sa douce couleur azur. Le bleu, l'espoir... "
Je lui avais demandé ce qu'était l'Ogre, intrigué. Pensant que c'était l'un de ses personnages fictifs qu'elle s'amusait à se construire et à me conter, les mêlant à de trépidantes histoires fantastiques.
"C'était un homme. Cet homme est parti. Il a cessé d'exister... "
Le seul homme mort dont elle m'avait parlé était son père. Elle m'avait juste dit qu'un jour, il avait sauté par la fenêtre.
Je l'enlaçai. Elle parlait.
"L'Ogre faisait tant de mal au papillon, tu sais. Il lui répétait qu'il était beau et doux. Ce n'était pas une chrysalide, mais déjà un beau papillon, à ses yeux. Le papillon aimait l'Ogre car il lui racontait de belles choses... Il paraît que c'est de lui que le papillon tient son imagination débordante. Pourtant, un jour, il l'a tellement fait souffrir, serré contre lui... Alors le papillon a voulu lui apprendre à voler, comme lui. Seulement l'Ogre n'avait pas de belles ailes comme le papillon et il est tombé... Le papillon était si triste... Le papillon a pleuré l'Ogre qu'il aimait avec haine... "
A cet instant je compris tout... Soline pleurait, entre mes bras. J'avais mal pour elle.
"Je t'aime Papillon... "
Elle s'accrocha à mes épaules.

Le fantôme de son père sembla dès lors s'imposer entre elle et moi. Bien entendu, j'étais l'investigateur de ces hallucinations mais cet homme me semblait réel. Cet homme ne voulait pas que je touche sa fille qu'il avait aimée, chérie et caressée.
Alors je décidai de fuir, moi aussi. Je pris mes distances entre Soline et moi. Grande peine cela me fit car je l'aimais tant et tellement. J'ignorais avec douleur ses larmes et ses yeux rougis. J'étais un salaud, incapable d'assumer le passé d'une personne importante à ses yeux.
Sa peau ne me semblait plus être à moi. Elle était marquée des empreintes invisibles des doigts de son père. Son tendre papa. Son Ogre.
Elle, papillon, écrasée par le poids de la vie et de la méchanceté d'un adulte.

Un jour, le Papillon voulut s'envoler. Du haut d'une falaise surplombant la mer en furie. Le Papillon prit son envol, battit des ailes, le soleil, si haut était alors inaccessible. Ce soleil était traître. Il appelait les âmes perdues mais ne les accueillait jamais, trop éloigné. Alors le Papillon retomba, doucement, porté par le flux et le reflux du vent marin et salé. L'étendue grise et brillante enveloppa le corps meurtri de Papillon. La mer lui tendit ses bras et le Papillon s'y nicha, heureux de trouver du réconfort. L'eau l'engloutit.
Le Papillon avait voulu voler. Sa belle silhouette lumineuse resplendit de plus belle, éclairée par la chaude fleur de feu à l'horizon, miroitante dans la transparence salée...

Salée. Comme mes larmes.
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Re: Papillon
Posté par soline le 08/05/2005 14:40:05
coucou!! ben papillon, sache que je m'appelle soline et que bizarement jme suis reconnue dans ta magnifique histoire, bref, c'est très beau et vive mon prénom lol ;-)
Re: Papillon
Posté par justimbe le 27/04/2005 16:01:06
c'est magnifique comme histoire
Re: Papillon
Posté par sadness-angel le 16/04/2005 16:55:45
J,aodre ton histoire elle est vraiemnt magnifique
jadore lider du papillon...
Re: Papillon
Posté par multimaniack le 11/04/2005 02:15:29
Tres sympa !

Je suis étonné qu'il n'y ait pas encore eut de rabbat joie mais tant mieux pour toi !!

continue comme ca !
Re: Papillon
Posté par amyacaca le 08/04/2005 20:22:12
j'adore!
heuresement que ce n'est pas du vécu.
j'attends ton prochain article avec IM-PA-TIEN-CE!
un dernier ptit mot pour la route:
MAGNIFIK!
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Publié le 05 avril 2005
Modifié le 16 mars 2005
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