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Simon et Sylvia, une autre histoire (2)

C'est la mise en mots de l'histoire d'amour entre Simon et Sylvia, personnages terriblement bouleversants du film de Desplechin "Un conte de Noel". Une mise en mots pour dire l'intensité d'amour que le film fait percevoir, pour dire combien l'amour peut détruire, dérober, scier le corps entier.


Les feux brûlaient de plus en plus fort, de plus en plus haut. Elle les regardait désormais sans les voir. Elle ne voyait plus, en lieu et place de feux d'artifice de dimension privée, que des flammes hurlantes qui murmuraient son amour, sa passion qu'elle avait du ignorer, repousser, déguiser pendant des années. Toutes ses flammes dessinaient son angoisse, semblant lui revenir à la figure comme la foudre tombe, comme l'apocalypse s'attend. Au fond de ses yeux, les feux crépitaient sous forme de dagues, de scramasaxes, de scies stridentes. Elle tourna à nouveau son visage angélique vers la véranda et le regarda, qui semblait vivre dans une bulle, fermée de toute part, une bulle dans laquelle elle n'aurait jamais le droit d'entrer, une bulle qu'elle aurait du, elle le savait maintenant, pouvoir détruire mais qui s'était épaissie si durement qu'elle semblait indestructible. Pour la première fois, elle comprit ce que voulait dire la fatigue qui s'était posée sur son visage. Pour la première fois, elle comprit ce que voulaient dire ses errances, ses silences, ses retranchements. Elle comprit combien il était seul, et combien son âme attendait qu'elle le regarde, qu'elle le dévore, qu'elle le retrouve dans les plis d'une étreinte éternelle. Elle s'en voulut d'avoir été aveugle. A scruter ses pupilles, elle comprit combien il était pur, et combien frêle il était devenu au travers d'elle. Combien d'homme épanoui il était devenu un spectre; un spectre pour elle, un spectre par elle, un spectre à la lueur de ses yeux ardents. Elle était tétanisée, elle admirait sa carrure froide et pénétrante qui se découpait dans la nuit. Elle comprit ce que, pour lui, elle était, et elle en eut comme une syncope. Elle essaya de prétendre au froid. Elle mourrait d'une émotion incommunicable. Et lui, perdu dans la froideur vaine de sa véranda, les yeux toujours au sol, ne savait pas ce qui pour lui, tendu vers lui, dévoué à lui, était en train de naitre. Sous ses pieds à elle, le sol tremblait et elle voulut lui faire entendre les failles qui s'ouvraient. Elle voulait appeler son regard mais lui était étranger à toutes les bousculades, à toute l'humanité riante qui fourmillait au dehors. Comme seul moyen de réaction, elle regarda la femme âgée qui venait de bouleverser l'asphalte de sa vie et lui demanda, d'une goutte de voix semblant comme tomber sur une dalle brisée, de tout lui raconter.

En deux phrases, elle eut fini. Ils s'étaient réunis. Ils avaient décidé. Il avait renoncé à elle. Le mot tomba en météorite; elle en éprouva le chambardement par une convulsion. Le mot suggéra tout ce qu'elle redoutait, toute une vie passée à se mentir en tremblant. Pour un secret. Pour un choix qu'elle n'avait pas même fait. "Renoncé". Le mot était une sentence, un reproche en filet à sa vie entière, qui s'infiltrait dans le sang comme un virus. Des yeux, elle questionna tout le sens de sa vie et n'en trouva plus, tout était sans dessus-dessous. Et à cet instant, comme jamais, jamais plus, elle commença à retrouver tout cet amour qu'elle avait recouvert et pansé. Elle le sentit en quelques secondes s'épanouir dans son cœur comme un bourgeon, comme une aube, comme une marée qui s'épanouit du jour qui s'avance. Elle recommença à l'aimer comme on agonise, elle se prit à retrouver l'amertume noire de cet amour qu'elle croyait mort, elle sentit tout son corps battre en tambour, elle sentit tous ses membres se disloquer, déliés par la parfum de la passion. Elle se sentit devenir rouge, rouge feu, rouge flamme, rouge sang, rouge braise, rouge à tout abandonner. Un instant, elle crut que pour lui, elle renoncerait à tout. Elle crut qu'elle pourrait. Alors, comme pour s'en assurer, elle tourna son visage vers lui, elle y tourna un visage comble d'amour et se jura que cette nuit serait d'éclair et évacuerait la brume dans laquelle il avait plongé sa vie. Résolue à l'aimer plus que jamais, elle retourna les yeux vers les flammes, les cris, son mari et reprit, l'histoire d'une heure, sa vie de femme, de femme sûre, de femme mère, de femme mûre.
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L'auteur : Laëtitia Flow
34 ans, Montreuil (France).
Publié le 03 février 2009
Modifié le 24 décembre 2008
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